13 novembre 2024

Airbus A319 Germanwings © Juergen Lehle

Germanwings, le rapport préliminaire

Ce rapport vient confirmer les premières informations qui avaient été données par la Justice et le BEA sur la responsabilité du copilote dans la décision et l’exécution de ce crash volontaire.

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Airbus A319 Germanwings © Juergen Lehle
Airbus A319 Germanwings © Juergen Lehle

Le 6 mai, le BEA a publié son rapport préliminaire sur ce crash, dont vous trouverez l’intégralité des 30 pages avec le lien ci-dessous.

Clic droit, puis clic sur « Ouvrir le lien dans une fenêtre de navigation privée » Rapport Préliminaire Germanwings mai 2015

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Ce rapport vient confirmer les premières informations qui avaient été données par la Justice et le BEA sur la responsabilité du copilote dans la décision et l’exécution de ce crash volontaire.

Sur la formation du copilote et son aptitude à ce métier

Le rapport préliminaire donnant les données de façon dispersée, le cursus résumé de ce pilote est le suivant :

Lubitz a commencé une formation théorique de pilote chez Lufthansa en septembre 2008, qui devait durer 6 mois et qui a été interrompue en novembre 2008 du fait de la maladie de l’intéressé (dépression avec tendance suicidaire, selon ce qu’en a rapporté le procureur de Düsseldorf).

Il a été jugé médicalement à nouveau apte en juillet 2009, sous réserve médicale, dont les obligations devront être précisées par l’enquête. Depuis, toutes ses visites médicales annuelles ont été homologuées avec cette réserve.

Il a alors repris sa formation théorique jusqu’en octobre 2010 où il a obtenu son ATPL (brevet théorique de pilote de ligne). Il effectué le stage pilote habituel à l’école de Lufthansa à Phoenix (Arizona) de novembre 2010 à mars 2011.

De juin 2011 à décembre 2013, il a été steward à Lufthansa, tout en continuant sa formation de pilote, avec une activité de pilote qu’il serait bon de connaître dans le cadre de l’enquête.

De septembre 2013 à juin 2014, il a effectué sa qualification A 320 chez Lufthansa et son adaptation en ligne chez Germanwings, qui l’a embauché comme copilote le 26 juin 2014.

Il avait effectué 107 heures de vol durant les 3 derniers mois, ce qui est moins de la moitié de l’activité normale d’un copilote, pour des raisons sur lesquelles l’enquête devra se pencher.

Sur la responsabilité de l’embauche de ce copilote malade

Le rôle d’une commission d’enquête est de déterminer les causes d’un accident et d’en éviter le renouvellement. La responsabilité des uns et des autres ne sera donc pas établie, mais elle se trouvera en filigrane dans les données du rapport d’enquête.

Selon les données partielles concernant l’aptitude médicale à piloter de Lubitz, il semble qu’il y a eu une continuité de traitement médical pour cette dépression avec tendance suicidaire depuis le début de sa formation chez Lufthansa jusqu’au jour du crash. Malgré le danger que représentait cette situation, Lufthansa a pris la décision de conserver ce pilote, de lui faire achever sa formation et de le mettre en ligne. Ce laxisme démontré de management va faire le miel des avocats des ayants droit des victimes et promet au service juridique de la compagnie quelques nuits blanches !

Par contre, en droit, on exonérera probablement de responsabilités la compagnie Germanwings, à qui Lufthansa avait « livré » un pilote « apte à 100% » et qui a dissimulé soigneusement sa situation médicale à son employeur.

A l’échelon international va se poser le problème d’une modulation du secret médical pour les pilotes et tous ceux qui ont charge d’âmes dans le transport d’humains, que pour ma part, je pense nécessaire et sain. Un de mes correspondants m’a indiqué par mail, que quand il avait passé une formation de cariste (chariots élévateurs), il avait passé un examen d’aptitude psychologique !

Se posera aussi le problème de savoir si un pilote victime de dépression peut conserver son aptitude médicale, avec ou sans traitement.

La descente sur le vol précédent Düsseldorf-Barcelone : répétition du crash ou décision de suicide avortée ?

Le rapport préliminaire attire l’attention sur un comportement étrange du copilote durant ce vol DUS-BCN. Tout comme lors du vol accidenté, le CDB quitte le cockpit pour aller aux toilettes et 30 secondes plus tard, le contrôle donne l’ordre de quitter 37.000 pieds pour descendre à 35.000.
Pour exécuter la descente, le pilote doit afficher une altitude sélectée de 35.000 pieds et pousser un bouton « OPEN DES ».
Le graphique ci-dessous établi par le BEA montre que le copilote, qui est seul dans le poste de pilotage durant 4 minutes, va de façon absolument anormale passer à plusieurs reprises l’altitude sélectée à 100 pieds, alors que le contrôle de Bordeaux lui a donné l’instruction de descente à 21.000 pieds et qu’il aurait donc dû afficher une altitude sélectée de 21.000 pieds et s’y tenir.

Ces actions non conventionnelles sur l’altitude sélectée peuvent avoir deux explications :

  • La première serait que ces manœuvres sont effectuées par un Lubitz qui a pris la décision de crasher l’avion et il veut profiter de l’opportunité de l’absence du CDB et de la descente normale ordonnée par le contrôle pour concrétiser son funeste projet. Mais pour des raisons qu’on ne connaîtra jamais, peur de l’énormité du forfait ou indécision, il se ravise et remet l’altitude sélectée en valeur normale et ouvre la porte au CDB.
  • La deuxième explication est que par ces actions sur le sélecteur d’altitude, Lubitz fait une répétition délibérée de la manœuvre. Mais il n’était pas certain du tout qu’au vol suivant, le CDB quittera à nouveau le cockpit pour aller aux toilettes. Ce ne serait donc pas pour ce jour-là.

Pour ma part, je pense que Lubitz avait pris la décision de crasher l’avion lors du vol DUS-BCN et qu’il s’est ravisé, pour les raisons ci-dessus. Mais lors du vol suivant BCN-DUS, le CDB, qui semblait avoir des problèmes urinaires, lui a donné une nouvelle occasion. Il est fort possible qu’après la tentative avortée du vol précédent, le copilote ait levé les freins psychologiques qui s’opposaient à son acte.

Blocage de la porte du cockpit

Le rapport préliminaire donne une description précise du fonctionnement de cette porte et de son blocage, qui répond à un bon nombre de questions posées par mes correspondants, qui s’étonnaient qu’il n’existe aucun moyen d’entrer dans le cockpit si le ou les pilotes voulaient l’interdire.

Vous verrez qu’il existe bien un code de secours pour entrer dans le cockpit si les pilotes sont inconscients et ne peuvent mettre le bouton d’accès sur UNLOCK. Mais, bien entendu et pour des raisons de protection antiterroristes, ce code de secours est inopérant si les pilotes conservent la position LOCK qui bloque la porte.

N’oublions pas que ces dispositifs de blocage ont été mis en service après le fameux 11 septembre et que l’objectif est justement d’interdire l’accès aux terroristes. Suite à ce drame, on va probablement connaître une polémique, pour savoir s’il faut maintenir ce dispositif. Ce sera choisir entre la possibilité, démontrée, de trouver une pilote fêlé pour aller planter son avion et ses passagers, ou bien accepter le risque terroriste.

Pour ma part, je considère qu’il n’y a pas photo : le risque de trouver un Lubitz Bis est très, très, inférieur à la menace que fait planer le terrorisme international de façon très durable.

Sur le trente dernières années, des centaines de millions de vols ont été effectués et le rapport préliminaire du BEA donne la liste et les circonstances des 6 crashs qui ont eu pour origine une action suicidaire d’un pilote. Alors, raison garder.

Au sujet de la respiration du copilote dans la descente fatale

Certains s’étonnent que le CVR puisse enregistrer le bruit de la respiration des pilotes. Cette perception par le CVR est due au fait que pour des raisons de bruit dans le cockpit, les pilotes utilisent systématiquement des écouteurs dans les zones terminales et souvent durant la croisière sur les moyen-courriers. Ces casques sont munis d’un micro qui touche pratiquement la bouche et le bruit de la respiration peut donc être facilement enregistré.

Attendons maintenant le rapport final sur ce drame.

Avec l’aimable autorisation de Christian Roger
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