12 décembre 2024
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Dérive Airbus A330 AF447 @ Agência Brasil ABr

Air France, sécurité et avenir de l’aérien

Jean Belotti répond aux questions sur l’avenir d’Air France, du transport aérien et de l’AF447

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Jean Belotti © DR

Question : Qu’en est-il des critiques souvent émises contre l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle ?
Réponse : Alors qu’à plusieurs reprises, je les ai citées, aujourd’hui, il convient d’annoncer une bonne nouvelle. Air France/KLM et ADP (Aéroports de Paris) ont décidé de lancer l’opération “Hub 2012″, pour faire de Roissy une plate-forme parfaitement adaptée aux besoins des passagers. Pour ce faire, des moyens considérables devraient être mis en oeuvre. Exemple, un investissement de près de 600 millions d’i pour le satellite 4 et une nouvelle salle d’embarquement au terminal 2F. Ce que l’on sait, c’est que ce “S4″ sera long de 770 mètres ; occupera une surface de 100.000 mètres carrés ; un hôtel sous douane de 80 chambres ; un vaste salon de 3.000 mètres carrés, réservé aux passagers de classe affaires ; de nombreux commerces de haut de gamme ; etc…

Quant à l’accueil, ADP et Air France/KLM, entre autre, ont fait oeuvre utile en réalisant un petit aide-mémoire à la disposition des voyageurs chinois. Cela étant, il reste que sur le plan de la desserte, les problèmes posés par la liaison entre l’aéroport et le centre ville sont loin d’être résolus. Les embouteillages de l’autoroute A1 sont extrêmement pénalisants. Quant au projet “CDG Express” (liaison ferroviaire entre la gare de l’Est à Paris et l’aéroport) il a été abandonné.

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Question : D’après vous, l’émission de France 3,du mois de mars, consacrée aux dernières minutes de l’accident de l’AF447, a-telle apporté de nouveaux éléments permettant de mieux comprendre l’enchaînement des facteurs contributifs à la survenance de ce drame ?
Réponse : Envisager d’apporter une information permettant au grand public de comprendre le déroulement de phénomènes  complexes est une intention louable. Le faire, alors que les enquêteurs techniques et judiciaires n’ont pas encore déposé leur rapport final, ne peut découler que d’une démarche mercantile. Il en résulte forcément une présentation de faits non probants, déclenchant des effets pervers bien connus. De plus, présenter des témoignages anonymes discrédite totalement la valeur de l’émission. En effet, l’expérience montre qu’il est toujours facile de trouver un témoin “de derrière les fagots” qui a des comptes à régler avec une compagnie, un constructeur, une Administration. Par ailleurs, alors que l’association des familles de victimes,  s’insurgeant, à juste raison, contre une nouvelle intrusion des médias dans l’enquête de l’accident, avait demandé à la Justice l’interdiction de la diffusion de cette émission, elle a pourtant été autorisée, à la grande surprise d’aucuns ! En effet, la justice qui ne prend pas en compte les témoignages anonymes a donc donné son autorisation de diffuser cette émission, sans qu’on n’en connaisse la justification, contribuant ainsi à alimenter une délétère suspicion sur tous les intervenants ! Quant à la démonstration de décrochage faite par un pilote de voltige sur un petit monomoteur (aussi compétent soit-il dans sa spécialité, nul n’en doute) elle n’est pas concluante, les réactions d’un petit appareil à commandes de vol par câbles sont tout à fait  différentes de celles des jets modernes, de plus de 200 tonnes, à commandes électriques actionnées par plusieurs calculateurs
de bord.

En fait, je rappellerai ici que la plupart des pilotes de ligne n’ont qu’un vague souvenir de leurs premiers et quelques décrochages effectués sur les avions d’entraînement. Il en résulte que de jeunes pilotes, avec seulement un faible nombre d’heures de vol, n’ont, non seulement jamais approché la phase de décrochage – où plutôt d’approche de sortie du domaine de vol – de l’avion
sur lequel ils ont été qualifiés, mais ignorent son comportement en cas de différents dysfonctionnements ayant, par exemple, conduit à une configuration de super-décrochage (très importante assiette et incidence, avec alarme sonore et visuelle) et, surtout, ce qu’il convient de faire pour sortir de cette situation, qui conduit irréversiblement à la catastrophe ! Sachant qu’il n’est pas envisageable de pouvoir reconstituer en vol de telles situations, il serait cependant possible d’effectuer un vol avec les pilotes à qualifier, en leur montrant comment réagir face à la survenance de certaines anomalies, par des manoeuvres très simples quasiinstantanées. Bien que le cas que j’ai déjà cité : “Lors d’un vol d’entraînement en Caravelle, à 18.000 pieds, l’exercice consistait à faire “décrocher” l’avion, afin que le pilote perçoive les signes précurseurs et sache récupérer la situation. Or, le stagiaire n’ayant pas fait la bonne manoeuvre corrective, en moins d’un tour de vrille, nous avons perdu 8.000 pieds. Bien sûr, on
est remonté à 18.000 pieds et le pilote stagiaire a, cette fois, correctement effectué les manoeuvres salvatrices”, ne puisse plus être exactement reproduit de nos jours, il montre quand même “qu’un homme prévenu en vaut deux !”. Il est certain que ce pilote qui se trouverait, par la suite, dans une telle situation, saurait comment réagir efficacement. Alors, pourquoi ce type d’exercice ne figurait-t-il pas dans les programmes de formation ? Parce que les constructeurs ont affirmé que l’avion ne pouvait pas sortir de son domaine de vol et également pour une question, comme on dit, de “gros sous”, dans un flou “no man’s land”
entre économie et sécurité !

Cela étant, dès que les enquêtes seront terminées, il n’est pas impossible que des recommandations soit formulées quant à la gestion de situations anormales en altitude. Voici également les commentaires du commandant Gérard Arnoux (dont les  déclarations lors dudit reportage ont été tronquées). Il explique les raisons de l’état de sidération apparent de nos malheureux collègues qui ont certainement été confrontés à un problème infiniment plus complexe que ce reportage trompeur et simpliste lequel constitue une falsification délibérée de la part de ses auteurs.

Pour répondre aux partisans du laisser faire, du laisser dire, de la liberté d’expression, il déclare :
– que ce reportage est un faux intentionnel, simplement parce que lorsque l’on prétend faire profession de journalisme d’investigation on doit faire preuve d’un minimum de déontologie singulièrement absente en l’espèce ;
– qu’ainsi tout un chacun conviendra qu’on doit s’interdire, entre autre, de travestir la vérité et pour ce faire de supprimer du débat contradictoire organisé par caméra interposée, le principal et plus solide argument de l’un des protagonistes étant occulté ;
– que c’est un document diffamatoire vis à vis de nos collègues disparus, diffamatoire vis-à-vis de leur famille et diffamatoire vis-à-vis de tous les pilotes d’Air France, une insulte à leur professionnalisme.
– que le journaliste français qui a habillement abusé et manipulé la Direction de la chaîne Galaxie presse, n’en sortira pas grandi pour autant, car, comme le disait Albert Camus, dans son manifeste inédit exhumé récemment : “Un journaliste indépendant sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure si relative qu’elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu’aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge”.

Question : Très intéressé par l’avenir de notre compagnie Air France, pouvez-vous nous dire quel rôle peut avoir la fédération nationale de l’aviation marchande pour l’aider à passer ce mauvais cap ?
Réponse : La FNAM, premier syndicat professionnel du secteur, que vous citez – dont Air France est un membre très influent – a envoyé dix propositions aux candidats à la présidentielle pour permettre au pavillon français d’être plus compétitif. Elle a  également demandé une baisse des coûts du travail et, parmi toutes les requêtes, elle a souhaité une réflexion sur le montant de la
taxe d’aéroport et sur les coûts de sûreté. Il est vrai que la part des compagnies aériennes tricolores dans le transport aérien  français (trafic intérieur et trafic entre la France et l’étranger) ayant fondu de 11 points en dix ans, est tombé à 48 %. Cela provient du fait que certains de nos concurrents n’ont pas les mêmes contraintes que celles qui pèsent sur le transport aérien français. Ont été pointées du doigt les compagnies du Golfe, d’Asie ou de Turquie, mais aussi, en Europe, les transporteurs allemands,  britanniques et irlandais.

Finalement, l’objectif de la FNAM est de restaurer la compétitivité du transport aérien français ; faire de la France la principale porte d’entrée en Europe des voyageurs étrangers et faire du développement durable une arme de compétitivité. Pour arriver à ce que l’Hexagone devienne la principale porte d’entrée en Europe, le maintien des vols de nuit (essentiellement pour les avions cargos) a également été cité, ainsi que l’amélioration de l’accès aux aéroports parisiens et régionaux, comme indiqué, plus haut, dans la réponse à la question sur les aéroports. Enfin, pour que le développement durable devienne une arme de compétitivité, la FNAM a souhaité que le produit du système européen d’échanges de permis d’émissions (ETS) – auquel fait partie le transport aérien – soit utilisé pour améliorer la performance environnementale du secteur et la préparation de l’arrivée des nouvelles  technologies.

Question : Étant donné que de nombreuses compagnies disparaissent malgré de drastiques plans de restructuration, on se demande qu’elle en est vraiment l’utilité ?
Réponse : De tels plans ont été lancés depuis des années. Exemples : Celui d’Air France prévoit d’augmenter la productivité, de bloquer les salaires,… British AW qui vient de racheter BMI à Lufthansa prévoit de supprimer près de la moitié de l’effectif, soit environ 1.200 emplois.
Justification de ces plans :
– soit, dans le cas d’Air France, du fait de l’augmentation généralisée des coûts, essentiellement, en ce début 2012, par  l’augmentation du coût carburant qui représente maintenant 30% des coûts directs d’exploitation ;
– soit, dans le cas de British, pour éviter les doublons.

Ayant traité dans mes chroniques antérieures des conséquences et effets pervers de ces plans à plus long terme, je n’y reviendrai pas ici.

Question : La consolidation du secteur aérien ne présage-elle pas une modification profonde du fonctionnement des compagnies ?
Réponse : Cette question appelle une longue réponse, déjà faite, sur l’histoire de l’évolution du monde de l’aérien, depuis la “deregulation” Carter de 1978 : disparition de centaines de petites compagnies ; accords de coopération technique et  commerciale (partage de codes – “code-share”) ; fusions/absorptions ; émergence des compagnies “low-cost” ; création d’hyper-groupes qui deviendront de puissants monopoles intouchables, une fois le processus de concentration terminé. Force est de constater que l’augmentation des coûts est un facteur de consolidation, indispensable à la survie des compagnies, quelles soient de petite taille ou des “majors”. * En France, Air France/KLM a compris qu’il convenait de changer de stratégie. Abandonnant
les critiques des concurrents du Golfe (“ils sont en train de tuer notre industrie”) va s’allier à Etihad Airways, dans le cadre d’une première phase de rapprochement. Il en est de même pour certaines petites compagnies. Tel est le cas d’Air Caraïbes et Corsair
qui, fin mars, à la suite de la flambée du coût du carburant, ont signé un accord de partage de codes sur tous leurs vols  transatlantiques. Les faits montrent que ce changement de stratégie – remplacement d’une concurrence à couteau tiré par une coopération salutaire – est souvent une première étape vers des rapprochements plus importants (OPA/OPE, fusion/absorption) à moyen terme, vers lesquels ces deux compagnies seront probablement aspirées.
* Aux États-Unis, après l’absorption par America West d’US Airways en 2005, ce sont les syndicats eux même qui ont poussé American Airlines (troisième compagnie américaine placée sous chapitre 11 fin 2011) à fusionner avec US Airways (quatrième compagnie américaine), ce qui est une grande première, aujourd’hui. Les principaux syndicats d’American (qui représentent 55.000 employés) ont même déjà signé avec US Airways un accord sur les conditions de travail en cas de fusion. On comprend qu’une telle fusion créerait la première compagnie mondiale avec 18 % du marché américain (domestique et international), devant United (15%), qui avait absorbé Continental en 2010, et Delta (14%), qui avait absorbé Northwest en 2008.

Question : À la mi-mars une inquiétante information selon laquelle Air France, ayant enregistré de lourdes pertes, était au plus mal, sa survie étant même mise en doute ?
Réponse : Contrairement à British Airways/Iberia et à Lufthansa, après avoir annoncé de lourdes pertes en 2011, les analystes prévoient pour Air France/KLM, un doublement des pertes en 2012. Et cela malgré une augmentation des recettes et de bons coefficients de remplissage ! Raisons de ces pertes : notamment, la hausse du prix du carburant ; la moindre croissance économique et la concurrence des “low-cost” (dont Ryanair avec sa flotte de plus de 280 appareils et plus de 8 millions de passagers par mois et EasyJet qui, dans les 12 derniers mois, a transporté plus de 55 millions de passagers). Alors, la crainte de voir disparaître Air France est-elle fondée ? Effectivement, des compagnies de tout premier rang – telles Swissair et Sabena en Europe – ont disparu de l’échiquier, depuis plusieurs années. Tout récemment, après la compagnie espagnole Spanair, la compagnie hongroise Malev a également cessé ses opérations. Ces deux cessations d’activité traduisent les grandes difficultés des compagnies régulières européennes face non seulement aux “low-cost”, mais également aux compagnies du Golfe ou asiatiques, pour celles qui assurent une activité long-courrier.

Cela étant, rassurons-nous, car la réaction du nouveau patron – en la personne de Alexandre de Juniac – a conduit à un plan stratégique “Transform 2015″ (Gel des salaires et des embauches ; réductions d’effectifs ; révision des conventions collectives des différentes catégories de personnels ; suppression de plusieurs lignes non rentables ; créations de bases régionales ; etc…) qui, après négociation, paraît avoir été accepté par la grande majorité des organisations professionnelles représentatives et devrait améliorer de 20% l’efficacité économique, d’ici à trois ans. Quant à la coopération, Air France discute d’une alliance commerciale avec Etihad Airways, ce qui enrichirait sa desserte du Moyen-Orient, plus étoffée depuis Amsterdam que depuis Paris. Par ailleurs, en ce début avril, la compagnie française a inauguré une nouvelle ligne Paris/Wuhan, en Chine, où 80 entreprises françaises sont déjà implantées. Alors qu’il y a toujours un risque d’ouvrir une ligne long-courrier, ici il est minime puisqu’Air France, pour compenser les pertes, reçoit une aide financière des autorités locales. Cela remet en mémoire le cas de Ryanair qui, ayant reçu une compensation de l’aéroport de Strasbourg, avait été condamné par la justice française et, de ce fait, interrompu la desserte de cet aéroport. Il est vrai que le principe d’aide, très encadré en Europe, est beaucoup plus opaque dans de nombreux autres pays. De plus, Air France a signé, avec China Eastern, un accord commercial de partages de coûts et de recettes, à la manière de celui déjà en vigueur avec China Southern, ce qui montre l’importance de la Chine pour Air France, non seulement dans la réponse à une demande de clientèle d’affaires, mais également dans celui du développement du tourisme. Finalement, cette adaptation à la mutation du marché mondial ne peut être que de bonne augure pour la pérennité d’Air France.

Après cette conclusion optimiste, une interrogation reste préoccupante : Dans quelle mesure le prix moyen du baril qui était, il y a trois mois de 98 US$, est passé à 120 US$ en cette fin avril, ne va pas limiter, voire annuler, les gains attendus du Plan  “Transforme 2015″, lequel avait été établi sur une base inférieure à 100 US$ ? La réserve de 400 millions i sera- t-elle suffisante
pour faire face au surcoût carburant ? Dans la négative, il ne faudrait pas s’étonner d’une nouvelle hausse des prix du billet. Pour terminer avec le titre “la fin programmée d’Air France”, la prise en compte des données actuelles et la brutale disparition de grandes compagnies nationales, n’autorise pas à écarter ce risque, même si certains le considère comme étant faible. En revanche, la compagnie Air France ne disparaîtra pas dans le sens qu’elle n’existera plus, mais elle n’est déjà plus la même. La
finalité d’Air France d’aujourd’hui est bien différente de celle de notre ex-compagnie nationale. En fait, elle sera de plus en plus intégrée dans des ensembles, de plus en plus importants, voire supra-nationaux, qui feront que nous ne reconnaîtrons plus notre compagnie nationale, avec son glorieux passé, son âme originelle s’étant envolée depuis longtemps.

Question : Est-il vrai que KLM effectue ses vols long-courriers avec un troisième pilote dit “de croisière” ?
Réponse : On apprend que les coûts des pilotes hollandais seraient environ 20% moins élevés que ceux des français, dont 13% seraient liés à la différence de charges sociales entre les deux pays. Cette différence de coûts entre les deux compagnies dépend essentiellement d’une particularité de KLM : “le pilote de croisière”, jeune diplômé qui n’est qualifié que pour la partie vol de croisière et non pas pour le décollage ou l’atterrissage. Certes, KLM n’a enregistré aucun accident et on ne peut que s’en féliciter. Cela étant, si cette information était confirmée, une constitution d’équipage avec un copilote de croisière – indépendamment de savoir quelle devrait être le contenu de sa formation – serait une situation potentiellement accidentogène qu’il convient de dénoncer. Je ne pense pas qu’Air France, à la suite de l’accident du vol Rio/Paris s’engage sur ce terrain d’atteinte à la sécurité des vols. Il reste cependant à relever que dans deux compagnies du même groupe l’approche sécurité est différente.

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