15 octobre 2024

Control aérien © DR

Redevances, halte au racket !

Comme nous l’avons vu dans un précédent article, Billet d’avion : tarif à la loupe, parmi les frais liés à un vol commercial se trouvent les redevances de contrôle aérien. Ces redevances, au nombre de trois en France, servent à financer la prestation de service de la navigation aérienne :

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Control aérien © DR

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Comme nous l’avons vu dans un précédent article, Billet d’avion : tarif à la loupe, parmi les frais liés à un vol commercial se trouvent les redevances de contrôle aérien. Ces redevances, au nombre de trois en France, servent à financer la prestation de service de la navigation aérienne :

  • la redevance pour service terminaux de la circulation aérienne (RSTCA), pour les services de contrôle rendus au départ des aéroports (service de contrôle d’aérodrome et service d’approche notamment)
  • la redevance de route, pour les services de contrôle en route (plutôt pour la partie croisière du vol)
  • la redevance océanique, pour les services de contrôle rendus au dessus de l’espace océanique. Nous laisserons cette redevance particulière de côté dans cet article.

Note : la RSTCA n’est payée qu’au décollage. En France elle s’applique sur les 58 terrains métropolitains et sur les 8 terrains d’outre-mer sur lesquels est implanté un service de contrôle aérien géré par la DGAC, et dont le trafic dépasse un certain seuil.

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Je ne rentrerai pas en détail sur les missions et les moyens des services de la navigation aérienne, en particulier en France, mais je vous conseille fortement la lecture d’un blog consacré entièrement à ce sujet, rédigé par un contrôleur aérien français : http://controle-aerien.chakram.info

Nous allons voir un peu plus en détail comment sont calculées ces redevances, avec des exemples concrets pour estimer ce coût sur des vols moyen-courriers.

Existe t’il une uniformisation européenne pour ces redevances ?

Et bien pas tout à fait. Il faut savoir que la formule de calcul de ces différentes redevances est la même pour tous les pays de la zone Eurocontrol (à quelques exceptions près, comme en Moldavie ou en Macédoine par exemple). En revanche, comme nous allons le voir, chaque Etat applique ses propres taux de redevances, sensés être calculés pour couvrir le coût réel du service de contrôle aérien proposé. Et les disparités entre Pays peuvent être importantes.

Quels vols sont concernés par ces redevances ?

Tous les vols utilisant les services de contrôle aérien sont soumis aux redevances, sauf :

  • les aéronefs de moins de 2 tonnes de masse maximale au décollage
  • les aéronefs en régime de vol à vue (VFR)
  • les vols d’Etat, militaires, Police, secours, Douanes
  • les vols de qualification d’équipage si ils restent dans le même pays
  • les vols circulaires (terrain de départ et d’arrivée identique)
  • certains vols de calibration des équipements de radionavigation

On remarquera que cela concerne un grand nombre de vols, en particuliers tous les vols en régime VFR (vol à vue) et tous les vols sur avion de moins de 2 tonnes. Pour faire une analogie, c’est un peu comme si sur une autoroute toutes les voitures et tous les camions de moins de 3 tonnes étaient exonérés de péage.

Quels sont les critères permettant de définir le tarif d’une redevance de contrôle aérien ?

Le calcul des redevances de routes et de la RSTCA s’appuie sur trois variables :

  • la masse maximale au décollage de l’avion (MTOW)
  • un taux de redevance fixé
  • la distance orthodromique parcourue par l’avion entre le point d’entrée et le point de sortie de l’avion dans la zone de contrôle concernée (uniquement valable pour le calcul de la redevance de route)

La masse maximale de l’avion est déclarée auprès d’Eurocontrol par l’opérateur (celui qui exploite l’avion), et justifiée par la transmission d’au moins un document officiel (par exemple le certificat de navigabilité ou le certificat acoustique de l’avion) permettant de prouver que la masse est la bonne. La tentation de tricher pour un opérateur peut être grande étant donné que le calcul des redevances est directement lié à cette masse.

Exemple d’une MTOW sur un certificat acoustique.

Qui n’a jamais menti sur son poids ?

Tricher pour économiser, c’est un peu ce qu’a tenté de faire la compagnie Ryanair il y a quelques années. Cette compagnie a fait enregistrer ses Boeing 737-800 auprès de l’autorité irlandaise avec des masses maximales au décollage bien inférieures à la normale pour ce type d’appareil. Le Boeing 737-8 est certifié par la FAA (Autorité américaine) et par l’EASA (Autorité européenne) jusqu’à une masse maximale au décollage (MTOW, Maxi Take-Off Weight) de 82,19 tonnes.

Or, les appareils de la compagnie Irlandaise sont enregistrés sur le registre Irlandais avec une MTOW de 66,9 tonnes. En comparaison la compagnie Norwegian exploite des 737-8 enregistrés avec une MTOW de 79 tonnes, soit 12 tonnes de plus !

Extrait du registre d’immatriculation Irlandais.

La masse maximale au décollage ne doit jamais être dépassée, et une MTOW de 66,9 tonnes est extrêmement pénalisante pour transporter assez de carburant et de passagers sur des vols moyen-courriers.

Mais alors comment fait Ryanair pour faire des vols de plus de 3h avec une telle limitation ? Et bien la compagnie se sert d’une possibilité offerte par Boeing : le flexible weight program. En fait Boeing permet aux ingénieurs de la compagnie cliente de faire varier la MTOW en fonction des besoins opérationnels, tout en restant dans les limites de la certification. En clair la compagnie peut faire varier sa MTOW selon ses besoins au jour le jour pour chaque avion. Par contre cela suppose plusieurs choses : 1) que les ingénieurs de la compagnie valident le changement de MTOW, 2) que l’Autorité Irlandaise soit informée à chaque changement, 3) que toute la documentation officielle à bord prenne en compte ce changement.

On comprend immédiatement l’intérêt de Ryanair de procéder de la sorte : si la MTOW est à chaque fois adaptée en étant au plus bas, les économies seront importantes sur un bon nombre de redevances, et pas que celles du contrôle aérien.

Sauf qu’en 2012, la DFS (Autorité Allemande) s’est rendu compte que Ryanair déclarait des masses bien plus faibles que ses concurrents sur le même type d’avion, et à demandé des explications à la compagnie. Celle-ci a répondu qu’elle ne décollait jamais à plus de 66,9 tonnes avec ses avions et qu’il n’y avait donc aucun problème. Erreur : les inspecteurs allemands ont procédé dans la foulée à plusieurs contrôles inopinés sur des vols de Ryanair et ont découvert que ceux-ci décollaient avec une masse bien supérieure à leur masse maximale autorisée déclarée. Plus exactement ils utilisaient une MTOW de 74,9 tonnes.

Veuillez descendre calmement et me présenter les papiers du véhicule SVP.

A partir de ce moment, la DFS a pris la décision de facturer ses redevances à Ryanair sur la base d’une MTOW de 74,9 tonnes, tout en réclamant quelques arriérés jusqu’en 2009 (500 000 euros quand même). Ce que la compagnie a contesté en septembre 2017 devant le Tribunal Administratif, demandant le remboursement du surplus payé.

Le jugement rendu le 20 septembre 2017 a donné raison à l’Autorité Allemande : la méthode de calcul consistant à prendre toujours la MTOW la plus élevée possible, est légale. Donc même si les avions de Ryanair sont déclarés avec une MTOW de 66,9 tonnes, à partir du moment où ils peuvent la monter ponctuellement à 74,9 tonnes, c’est cette dernière valeur qui doit être prise en compte.

A noter que l’Autorité Allemande était en pointe sur ce dossier car c’est une des rares Autorités à facturer et à récolter elle même en direct auprès des compagnies sa RSTCA. Par exemple la France récolte la RSTCA directement mais c’est Eurocontrol qui se charge de la facturation, et donc de la vérification des MTOW. Or, depuis 2013 Eurocontrol applique déjà la règle de la MTOW la plus élevée dans ses calculs. Soit 74,9 tonnes en ce qui concerne Ryanair.

Cette parenthèse refermée, vous allez maintenant comprendre à quel point cette MTOW peut influencer le calcul des redevances de contrôle aérien.

La RSTCA

Comme précisé en début d’article, la RSTCA n’est facturée que pour le décollage. Elle n’est donc payée qu’une fois sur un vol.

Son calcul est assez basique, voici la formule :

On retrouve notre MTOW, masse maximale au décollage de l’appareil concerné, ainsi qu’un taux de redevance.

Pour la France, il y a deux taux pour la RSTCA :

    • 217,21 euros pour les 56 aéroports métropolitains
    • 174,62 euros pour ORLY et CDG

Le taux est plus bas sur Orly et CDG suite à la mise en place en 2017 d’une mesure visant à soutenir les compagnies aériennes utilisant principalement les aéroports parisiens. Cette baisse de 20% de la RSTCA a permis aux compagnies de réaliser une économie de plus de 26 Millions d’euros.

Nous pouvons alors prendre un cas concret extrêmement simple, par exemple un Airbus A320 avec une MTOW de 73,5 tonnes qui effectuerait un vol Marseille-Orly. Sur ce vol, sa RSTCA sera donc :

RSTCA = 217,21 x 1,31 = 284,4 euros.

La redevance de route

La redevance de route est un peu plus complexe à calculer, en particulier pour les vols internationaux. En effet, il va falloir déterminer le plus précisément possible quelle part revient à chaque pays survolé. Nous allons commencer par le cas simple, à savoir le vol national qui ne traverse aucune frontière.

La formule de calcul est la suivante :

La distance utilisée est la distance orthodromique entre les deux aéroports, à laquelle on soustrait 2 fois 20 Km.

Explications : la distance orthodromique est le plus court chemin entre deux points sur un globe, on choisit donc la plus courte distance entre les aéroports.

Et on soustrait 2 fois 20 Km car on considère que dans un rayon de 20 Km autour de son départ et de son arrivée il sera plutôt soumis à un service de contrôle terminal et non pas en-route. Et vu qu’il va déjà payer la RSTCA, cela évite de payer deux fois pour le même service. Cette règle est bien sûr européenne.

Par exemple notre vol Marseille-Orly.

L’application Flightradar24 est sympa, elle nous donne directement la distance orthodromique entre les deux aéroports : 627 Km.

Il n’y a plus qu’à retrancher 2×20 Km et on obtient notre distance du calcul.

Le taux de redevance à présent : celui-ci est propre à chaque pays. En France, à l’heure actuelle, le taux est un des plus bas d’Europe : 63,61 euros. Etant donné que la formule est la même dans tous les pays, la comparaison est faisable, si ce n’est sur la qualité du service rendu, au moins sur le tarif.

Il nous manque juste la MTOW de l’avion, que l’on prendra encore à 73,5 tonnes, et il n’y a plus qu’a sortir la calculette :

Redevance de route = ((627-40)/100) x 63,61 x 1,21 = 451,8 euros.

Au final, pour répondre à l’interrogation de l’article sur le détail du prix d’un billet, sur un vol Marseille-Orly en A320, le total des redevances de contrôle aérien sera de 451,8 + 284,4 = 736,2 euros. Rapporté à environ 170 passagers, cela fait donc un coût de 4,3 euros par passager. A condition que l’avion soit rempli, car le nombre de personnes à bord n’est jamais pris en compte.

Maintenant que votre cerveau est chaud, nous allons regarder le cas d’un vol international. Le principe est le même, les deux fois 20 Km, le taux, la distance… sauf que le taux varie en fonction des pays survolés.

Il va donc falloir déterminer quelle distance orthodromique est parcourue au dessus de chaque pays, et lui assigner un taux. La distance orthodromique sera celle entre le point de passage de la frontière à l’entrée du pays, et le point de passage de la frontière en sortie de ce pays.

Avec le tracé d’un vol, une carte et une règle on peut à peu près déterminer ces distances. Mais Eurocontrol n’a pas trop le temps de s’amuser à ce genre de choses, avec les dizaines de milliers de vols concernés chaque jour.

En fait le calcul se fait automatiquement grace au plan de vol déposé par la compagnie, sur lequel apparaissent tous les points de navigation. Un algorithme arrive à déterminer grosso modo le point de changement de pays entre deux points de navigation. Puis ensuite il détermine la distance entre les points d’entrée et de sortie. Tout ce que l’avion fera comme trajet entre ces deux points n’aura aucune influence sur le tarif (en gros que vous preniez la route la plus courte ou que vous fassiez du zig zag, cela ne change rien au calcul). C’est un peu comme si vous rouliez à 40 Km/h sur l’autoroute entre Aix et Cannes, c’est plus long mais vous paierez quand même 14 euros.

Cela étant dit, un cas concret va nous permettre d’y voir plus clair. Prenons un vol Lyon Stuttgart en A320, qui va passer dans trois pays différents : France, Suisse, Allemagne. Donc trois taux de redevance différents :

  • 63,6 euros pour la France (Lidl)
  • 67,2 euros pour l’Allemagne (Leclerc)
  • 98,1 euros pour la Suisse (Lafayette Gourmet)

L’avion part de Lyon. Le premier point de changement de zone avec la Suisse se trouve à une distance orthodromique de 146 Km. Puis le second point de changement de zone entre la Suisse et l’Allemagne se trouve à 215 Km du premier point, et à 123 Km du terrain de destination.

Et bien on va appliquer sur chaque tronçon notre fameuse formule. On soustrait juste les 20 Km sur le premier et sur le dernier tronçon.

Cela nous donne alors :

(Le facteur distance est la distance divisée par 100, et le facteur poids est la racine carrée de la MTOW/50, vus plus haut).

Au total sur ce vol la redevance de route sera de 435,8 euros, qui seront récoltés par Eurocontrol puis redistribués aux services de la navigation aérienne de chaque pays à hauteur de : 96,9 euros pour la France, 255,2 euros pour la Suisse et 83,7 euros pour l’Allemagne.

Vous comprenez maintenant pourquoi en cas de grève du contrôle aérien les pays voisins se frottent les mains !

Merci à https://lustublog.com/

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2 thoughts on “Redevances, halte au racket !

  1. Bonjour,
    – A quel(s) organisme(s) reviennent les création, entretien , réfection :
    . des pistes d’atterrissage et décollage,
    . la maintenance des installations radio électriques pour guider les aéronefs au roulage, à
    l’atterrissage ( et parfois au décollage) , et :
    . l’alimentation et la consommation électriques de ces dernières,
    – Qu’elle sont les parts dues au Services de la Navigation aérienne et aux Chambres de commerce ?

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