17 avril 2024
Jean Belotti

Amende, liste noire…

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Jean Belotti

QUESTIONS DES LECTEURS

Question : J’apprends, en ce début novembre, que Bruxelles a infligé une amende de plus de 300 millions d’euros à la compagnie aérienne Air France-KLM, pour entente sur les prix du fret. Notre compagnie ne donnerait-elle pas le bon exemple ?
Réponse : Tout d’abord, il convient de savoir qu’Air France/KLM n’est pas la seule compagnie a avoir été sanctionnée, puisque 11 compagnies aériennes (et non des moindres) devront, au total, s’acquitter d’un montant d’amendes s’élèvant à environ 800 millions d’euros. Etant donné qu’Air France/KLM a immédiatement fait savoir qu’elle faisait appel, il convient d’attendre la suite de cette affaire. Elle remonte à 2007, année où la Commission européenne avait alors accusé une vingtaine de compagnies aériennes d’entente, à la suite de perquisitions de part et d’autre de l’Atlantique, auxquelles avait également participé le Département de la Justice des Etats-Unis. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Bruxelles inflige des amendes pour infraction à la réglementation européenne. On se souvient qu’en 2007, British AW et Korean Air ont dû payer, chacune, plus de 200 millions d’euros d’amende à la suite d’une enquête américaine et qu’Air France-KLM avait accepté de verser une somme importante pour régler son litige avec les autorités américaines de la concurrence. Cela étant dit, au delà de ce cas précis, d’aucuns peuvent s’interroger afin de savoir sur quels critères l’exécutif européen se fonde pour sanctionner ce qui est qualifié d’“entente illégale” et de “cartel”, alors qu’il n’a absolument pas réagi à ce qui se passe, depuis des années, avec la consolidation de l’industrie. En effet, un cartel est “une entente entre entreprises en vue d’une action commune”. Or, des ententes entre les compagnies existent depuis des décennies, dans de nombreux domaines : accords commerciaux ; répartition du trafic ; accords d’assistance technique en escale ; etc…, non sanctionnées par Bruxelles. C’est ainsi que, déjà en 1970, American Airlines, TWA et United Airlines s’entendirent, entre elles, pour réduire la fréquence des vols et les capacités mises en oeuvre, en vue d’augmenter les coefficients de remplissage pour diminuer leurs coûts d’exploitation. Le développement du processus de concentration est bien connu : après le stade de la coopération, on assiste à la disparition des plus faibles par les opérations classiques d’“OPA” et d’“OPE” étant donné que dans un système d’oligopole restreint, c’est celui qui a les coûts des plus élevés qui disparaît.
Puis, pour bénéficier des synergies qui contribueront à réduire les coûts, sont apparus les hypergroupes (ententes entre grandes compagnies). Elles s’assurent désormais des quasi-monopoles, dont j’ai, à plusieurs occasions, montré les effets pervers, non seulement sur la tarification, mais également sur la concurrence, alors réduite à néant, les barrières à l’entrée étant infranchissables… sans pour autant constater une réaction de la Commission de Bruxelles !
En effet, si ce processus ne conduit pas à la constitution de “cartels”, la question qui se pose est de savoir quel qualificatif il convient de lui affecter ? Autrement posée : Pourquoi une entente sur les prix, afin d’éviter une “cut throat competition”  préjudiciable aux parties en présence, serait-elle sanctionnée, alors que le système en place a conduit à supprimer toute concurrence ? Enfin, n’oublions pas la signature, en 1978, par le Président Carter, de l’“Air Deregulation Act”, document capital dans l’histoire de l’Aviation Civile, puisqu’il débloquait la concurrence en autorisant des réductions massives des tarifs, ainsi que l’ouverture quasiment libre de lignes nouvelles. Finalement on est bien loin du postulat de la “deregulation” qui était de favoriser l’émergence de nouveaux “entrants” pour stimuler la concurrence !

Question : Airbus, venant de faire état d’un carnet de commandes bien rempli, cela est-il le présage d’une importante reprise du trafic aérien ?
Réponse : Toutes les compagnies faisant des plans à plus ou moins long terme, la confirmation de commandes correspond effectivement à une prise de position optimiste dans l’évolution probable de la demande. C’est ainsi, qu’Airbus a annoncé 369 commandes nettes de janvier à fin octobre et la livraison de 417 appareils sur la période, en n’ayant enregistré qu’une cinquantaine d’annulations au cours de l’année, pour 421 commandes brutes. Mais ce qui est également important à noter est :
– une commande ferme de 30 appareils de la famille A320 par “BOC Aviation”, filiales pécialisée en leasing d’avions de la “Bank of China” basée à Singapour ;
– une commande qui pourrait porter jusqu’à six A380 pour ses lignes internationales de la compagnie japonaise “Skymark Airlines”, ce qui permet à Airbus (EADS) d’entrer sur le marché japonais, jusqu’alors occupé uniquement par Boeing.

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Question : Je me prépare à passer mon brevet de pilote d’hélicoptère et j’apprends qu’une nouvelle réglementation en réduirait son exploitation, ce qui me paraît grave et injustifié.
Réponse : Il s’agit du décret n° 2010-1226 du 20 octobre 2010, publié au Journal Officiel. Il limite effectivement toutes les opérations d’hélicoptères dans les “zones à forte densité de population”. Sans entrer dans la définition de ces zones, retenons que la moindre petite ville de province tombe ainsi sous le coup de cette réglementation. Alors qu’aux Etats-Unis, il existe une très grande liberté de circulation, aussi bien pour les avions privés que pour les hélicoptères, il est bien regrettable de constater que ledit Décret :
– d’une part, est justifié en s’appuyant sur la loi de 1992 , laquelle avait eu pour objectif de réduire les nuisances sonores et polluantes des appareils de l’époque, alors que, de nos jours, les performances ont grandement été améliorées ;
– d’autre part, en limitant les interventions des hélicoptères – dont l’utilité est unanimement reconnue – non seulement pénalisera lourdement les exploitants d’hélicoptères en France, mais portera également atteinte à l’industrie aéronautique.

“ATTERRISSAGE EN URGENCE D’UN A380 À SINGAPOUR”

Interview du 4 novembre 2010
TourMag : À la suite de l’atterrissage en urgence d’un A380 à Singapour, peut-on considérer que cet appareil est dangereux ?
Jean Belotti : Pour le moment, la cause de l’avarie du moteur “Rolls-Royce -Trent 900″ qui équipe cet appareil n’est pas encore connue. Il convient donc d’être patient et d’attendre les conclusions des enquêteurs avant d’incriminer la fiabilité de l’avion ou celle de ses moteurs. De toute façon, dès que la cause de l’avarie sera identifiée, elle sera suivie d’une procédure classique, mise en oeuvre par le motoriste, lequel donnera les instructions nécessaires (consignes d’utilisation, remplacement d’un  sous-ensemble,…) afin que le même type d’incident ne se renouvelle plus. Les faits montrent que la mesure extrême de l’arrêt de toute une flotte d’appareils identiques (soit par le constructeur, soit par l’autorité de tutelle) est extrêmement rare. Par ailleurs, la perte d’un moteur (panne, feu, explosion, arrachement,..) est un événement qui s’est produit de nombreuses fois, sans que pour autant les types d’avions concernés (Constellation, B707,…) aient été considérés comme dangereux.

TourMag : Mais une telle panne amène la question de savoir si ces nouveaux moteurs ont suffisamment été mis au point ?
J.B. : Pour obtenir son “certificat de navigabilité”, tout type d’avion doit subir de très nombreux tests de différentes nature, selon des protocoles très stricts, respectant des normes bien définies, garantissant une large marge de sécurité. Les moteurs ont donc également, eux aussi, passé avec succès les différentes étapes conduisant à la certification. Cela étant, dès que la probabilité de la survenance d’une panne est de 10 -9 (soit une sur un milliard), le risque n’est pas pris en compte. C’est ainsi que, par exemple, pour un quadrimoteur, la panne de deux moteurs d’un même côté, pendant le décollage – alors qu’il a dépassé la vitesse à laquelle le pilote ne peut plus arrêter son avion avant l’extrémité de piste – n’est pas prise en compte. Sans minimiser l’importance de cet incident, rappelons qu’il a été constaté que c’est précisément au cours de leurs premières années d’existence que les avions présentent des “maladies de jeunesse”, surtout lorsqu’il s’agit de nouveaux types d’avions dont les systèmes – de plus en plus complexes – ne sont pas toujours complètement “déboggés”.

TourMag : Sa taille le rend-il plus vulnérable ?
J.B. : Pas plus que l’imposante taille qui était celle du B747 par rapport au B707 ! Il y a plusieurs décennies, répondant aux deux questions suivantes : “L’avion de 1.000 places est-il réalisable et est-il souhaitable ?”, je décrivais les principaux problèmes que poseraient, à différents niveaux, un tel appareil. Puis, au fil des ans, participant à différents colloques internationaux, j’avais constaté que le sujet était souvent abordé. Tous arguments – pour et contre le projet – pris en compte, la tendance générale était de l’abandonner, à tout le moins, de le repousser. C’est l’option “pour” qui a été retenue, puisque les A380 volent et ont déjà transporté plus de six millions de passagers. Alors, bravo aux ingénieurs qui l’ont conçu et à ceux qui l’ont fabriqué et piloté et “longue vie à l’A380″.

TourMag : Ses 4 moteurs le rendent-il plus sûr ?
J.B. : Lorsque, sur un quadriréacteur, un réacteur tombe en panne, l’avion peut continuer à voler en toute sécurité en adaptant ses conditions de vol (altitude, poussée des réacteurs, vitesse). Le pilote peut même être amené à remettre les gaz sur trois réacteurs, dans le cas où, pour une raison quelconque, il n’a pas pu se poser à la suite d’une première approche.

TourMag : Fallait-il construire un tel mastodonde ?
J.B. : Ici, je ne peux présenter que quelques constats relatifs à la sécurité.

1.- Le nombre croissant d’A380 pilotés avec un équipage renforcé conduit à ce que lesdits pilotes feront de moins en moins de décollages, de procédures d’approche et d’atterrissages. Or, un ou deux atterrissages par mois sont nettement insuffisants pour conserver l’aisance et le savoirfaire indispensables à une efficacité maximale pendant ces phases essentielles du vol. Seul un entraînement complémentaire (sur simulateur ou en vol sur des petits modules), devrait permettre à ces équipages de rester totalement “dans la boucle”, comme on dit…. mais je n’en ai pas eu connaissance !
2.- Puis, il faut admettre – sans jouer l’oiseau de mauvaise augure – que ni l’incident grave, ni l’accident, ni la collision de deux avions, ne peuvent être écartés. Cela s’est déjà produit en vol et au sol. Certes la probabilité est extrêmement faible, mais elle n’est pas nulle. Il faut savoir combien il est difficile d’expliquer aux familles des victimes que le “risque zéro n” n’existe pas dans notre société post-industrielle de complexité croissante.
3.- Le problème du montant des indemnités resterait également préoccupant. Un exemple de “sinistre aviation catastrophique” envisagé aux Etats-Unis, conduisait – il y a quelques années – à un montant extrêmement élevé, de 600 millions de dollars pour l’avion et ses 500 passagers. Pour un avion de 1.000 places, cela dépasserait donc le milliard de dollars. Ce montant serait doublé dans l’hypothèse de la collision en vol de deux super-jumbos, remplis de passagers. Indépendamment des indemnités et des statistiques, la question qui se pose est de savoir si notre société moderne accepte l’éventualité d’une catastrophe aérienne qui ferait, d’un seul coup, 2.000 victimes ? Croisons les doigts !

“LISTE NOIRE”

(Visible sur :
Question : Quel est l’intérêt d’une telle liste ?
Réponse : Trois raisons justifient l’intérêt de son existence :
1.- Elle rassure les passagers.
2.- Elle montre que les autorités se sont penchées sur les “avions poubelles”.
3.- Elle contribue à améliorer la sécurité des vols.

Question : Avant de parler de l’Europe qu’en est-il au niveau mondial ?
Réponse : L’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) édicte des “normes”.
* En 1994, l’OACI a défini les principes du programme SOAP, audits sur la base du volontariat, transformé en 1998 en programme USOAP (Universal Safety Oversight Audit Programme), audits obligatoires de tous les 190 Etats contractants.
* Mais il ne s’agit que d’une intervention au niveau des Etats et non pas des compagnies. En effet, l’OACI n’a pas actuellement le mandat des Etats membres pour établir une “liste noire” mondiale des compagnies dangereuses, réclamée par l’Union Européenne.
* Au niveau mondial, les autorités de l’aviation civile sont auditées par l’OACI (“Organisation de l’Aviation Civile internationale”), qui vérifie leur conformité aux règles internationales, selon les 8 domaines clés d’un système de supervision de la sécurité, et les mesurent selon ces critères par rapport à une moyenne globale.
* Dans tous les pays, les compagnies aériennes sont surveillées par l’autorité de l’aviation civile du pays dont elles relèvent, mais, depuis des années, il existe des doutes quant à l’efficacité des normes OACI à travers le monde. En effet :
– il ne s’agit que d’audits ;
– et, de plus, il faut à l’OACI six ans pour auditer toutes les compagnies, ce qui fait que de nos jours – après le premier cycle d’audits (1999/2004) – son deuxième cycle d’audits (2005/2010) n’a pas encore pu auditer tous les États !

Question : … et aux États-Unis ?
Réponse : Précisons tout d’abord qu’aux Etats-Unis, une “liste noire” est un document rassemblant les noms d’individus ou d’entités (concrètes ou virtuelles) jugés indésirables, hostiles ou ennemis par une personne, un groupe ou une organisation donnée.
* Aux Etats-Unis, ce ne sont pas les compagnies qui font l’objet d’une restriction mais les États. En effet, si le pays comporte des compagnies aériennes qui desservent les Etats-Unis, il figure sur une liste établie par la FAA (“Federal Aviation Authority”) qui les classe selon la note “1″ = conforme, ou “2″ = non-conforme.

Question : Venons-en à l’Europe ?
Réponse : Nous sommes au coeur du sujet
==> Établissement de la liste des compagnies aériennes interdites d!exploitation dans l’Union Européenne (Conformément au règlement n/ 211/2005 du 14 novembre 2005, la Commission européenne avait, par règlement n/ 474/2006 du 22 mars 2006, publié la liste des compagnies aériennes interdites d!exploitation dans l!Union européenne)
– Une liste des compagnies aériennes interdites d!exploitation en Europe.
– Une liste des compagnies pour lesquelles l!accès à l!espace aérien européen est soumis à des conditions spécifiques.

==> Quatre remarques préliminaires
1.- La “liste noire” commune se substitue à celles nationales, des Etats membres. Ainsi, une compagnie interdite dans l’un des 25 pays le sera dans toute l’UE. Si cette décision doit être bien accueillie, il convient de noter que des compagnies figurant sur des listes d’interdictions nationales n’ont pas été reprises dans la liste européenne, faute de consensus entre les 25.
2.- Bien que le nombre de compagnies figurant sur ces listes soit élevé (278 en septembre 2008 et 17 pays) il ne représente qu’un pourcentage de trafic très faible par rapport au trafic mondial desservant l’Europe.
3.- De plus, ces compagnies desservent essentiellement des zones hors du territoire européen, si bien qu’un passager quittant l’Europe dans un avion “sûr” peut très bien, dans la poursuite de son voyage, se retrouver dans un avion “poubelle” qui :
– soit figure sur une “liste noire” européenne ;
– soit n’y figure pas, simplement parce qu’il ne dessert pas l’Europe.
4.- Ce n’est pas parce que des compagnie ne figurent pas sur ces listes qu’elles peuvent être considérées automatiquement comme respectant les normes prescrites.

Question : Quelles sont les normes à respecter ?
Réponse : Il existe trois normes, à restriction croissante : Internationale (OACI), américaine (FAR) et Européenne (JAR).
* Étant donné que les normes européennes (JAR – “Joint Airworthiness Requirements”) sont plus restrictives que celles des Etats-Unis (FAR : Federal Aviation Rules), ce sont ces dernières qui sont donc acceptées, sinon il faudrait refuser les avions américains sur le territoire européen.
* Étant donné que les normes européennes et américaines sont plus restrictives que celles de l’OACI, ce sont ces dernières qui sont donc prises comme référence, sinon il faudrait refuser les avions en provenance du tiers monde, qui n’ont à se conformer qu’aux normes OACI.

Question : Comment est évalué le niveau de sécurité ?
Réponse : Les comités consultatifs appelés comités «sécurité aérienne» se réunissent environ tous les trimestres (avec des représentants de l’aviation civile de l’ensemble des Etats Membres de l’Union Européenne, de l’Agence Européenne pour la Sécurité de l’Aviation Civile (AESA) et de la Commission européenne).
* L’évaluation du niveau de sécurité des compagnies étudiées se fonde sur des manquements de sécurité détectés, uniquement fondée sur des critères techniques, par le biais :
1.- des inspections au sol réalisées par les Etats Membres sur les aéroports européens dans le cadre du programme SAFA (Safety Assessment of Foreign Aircraft -Programme européen d’évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers).
* Ces inspections s’adressent aussi bien aux aéronefs des Etats européens, qu’aux aéronefs des pays-tiers et se concentrent uniquement sur l’inspection des aéronefs et non sur les audits des Etats.
* Leur intérêt est de révéler certaines anomalies et d’être à l’origine de la “peur du gendarme” qui limite les incursions d’intrus, sachant qu’ils risquent d’être contrôlés.
* Cela étant, ces inspections doivent être réalisées pendant le temps d’escale (sans jamais retarder inutilement un appareil) et ne peuvent porter que sur ce qui est visible techniquement parlant (vérification de la fixation des marchandises, des documents de bord, des licences du personnel navigant, des équipements, de l’état apparent de l’aéronef). Donc, vérification très superficielle et uniquement de la partie visible de l’iceberg.

* Certes, lors de l’examen d’un cas, la compagnie et l’Etat concernés sont systématiquement invités à être auditionnés et à présenter l’ensemble des éléments explicatifs liés aux déficiences constatées ainsi que l’ensemble des mesures prises pour y remédier. Mais il existe des cas bien surprenants. Exemple : Dans un pays européen, une compagnie a été mise sur la “liste noire”, simplement parce que l’avion inspecté “n’avait pas de gilets de sauvetage” ! Indépendamment du fait que la probabilité d’avoir à les utiliser doit avoisiner les 10-9 (seuil à partir duquel le risque n’est plus pris en compte lors de la certification des avions), ces gilets pouvaient être installés dès le retour de l’appareil à sa base, alors que ladite compagnie restera sur la “liste noire” jusqu’à la prochaine réunion du “comité sécurité aérienne” !
2.- des audits réalisés par les organismes :
a.- nationaux, comme le programme IASA (International Aviation Safety Assessment) lancé aux Etats- Unis, mais on ne voit pas l’intérêt que peut apporter aux Européens la prise en compte de ce programme.
b.- ou internationaux, comme le programme USOAP (OACI), ou par l’IATA (Association du Transport Aérien International) qui permet à la compagnie aérienne qui en fait la démarche volontaire d’obtenir un label de qualité dit « IOSA ».
Ce programme “IOSA” est actuellement considéré et reconnu comme un programme d’évaluation et de certification standard en matière de sécurité et de qualité opérationnelle des compagnies aériennes. Il comporte près de 1.000 points de contrôle permettant d’évaluer la compagnie aérienne dans plusieurs domaines (organisation et système de management, opérations de vols, contrôle opérationnel, maintenance et engineering, opérations à bord, opérations au sol, gestion du fret et sécurité
des opérations). Plus de 200 compagnies aériennes sont certifiées “IOSA”, dont environ 120 font partie de l’IATA. Cela étant, on ne voit pas le lien qui peut exister entre ce label de garantie de sérieux et une “liste noire”. Il s’agit plutôt d’une “liste blanche” sur laquelle ne figurerait que des compagnies estimées sérieuses.
3.- également de toute sorte d’informations parvenues aux Etats Membres ou à la Commission européenne (incidents ou accidents en exploitation,…). Ces informations n’étant que fragmentaires et irrégulières, elles sont, de ce fait, difficilement
exploitables.

Question : Quelles sont les difficultés d’établir des critères vraiment représentatifs du degré de sérieux des compagnies ?
Réponse : Ces quelques commentaires sur les fondements de la mise sur une “liste noire”, montrent les difficultés d’établir des critères vraiment représentatifs du degré de sérieux des compagnies. Cela a également été reconnu par l’OACI qui a émis des réserves vis-à-vis de la Commission Européenne de créer une liste mondiale des compagnies aériennes dangereuses.
* On notera également que rien n’est dit quant aux autres critères qui peuvent être pris en compte pour décider qu’une compagnie sera sur une “liste noire” : après la survenance d’un incident majeur ; d’un accident grave ; d’un défaut d’entretien ; d’une erreur (ou faute) d’un de ses personnels (au sol ou en navigant) ; etc… ?
* Or, étant donné qu’aucune compagnie n’est à l’abri de l’une de ces éventualités, est-il raisonnablement envisageable que, par exemple, une compagnie nationale ou une compagnie de tout premier plan puisse être mise sur une telle liste ?

* Un dernier commentaire est relatif au rôle de l’Etat. Lorsque l’Etat affecte un qualificatif de “blanc” ou de “noir”à une compagnie, il s’immisce en fait dans un domaine qui n’est pas de son ressort. Que des appréciations soient portées par des associations privées quant à la qualité et la conformité aux règles de sécurité du service fourni (hôtels, restaurants, etc…), est admissible ! Cela existe déjà depuis longtemps et c’est le client qui fait son choix, supposant que les établissements concernés respectent les textes légaux touchant au fonctionnement de leur industrie. Mais ce n’est pas le rôle de l’Etat, auquel il appartient de vérifier que lesdits textes légaux sont bien respectés. Dans le cas contraire, il lui appartient également de prendre les dispositions  réglementaires et les sanctions appropriées, sans avoir à publier une “liste noire”, dont la seule publication démontre urbi et orbi qu’il n’a pas été en mesure de se faire respecter. Par ailleurs, peut-on imaginer que l’Etat s’auto-sanctionne ? Comment l’Etat, qui est encore propriétaire d’une partie du capital d’Air France, pourrait-il placer cette compagnie sur la “liste noire” ? Comment l’Etat pourrait-il placer sur une “liste noire”, des hôpitaux, ou une ligne de la SNCF, ou une liste de dispensaires ?

Question : Quels sont alors les critères représentatifs à retenir ?
Réponse : Ce sont ceux concernant la qualité de la maintenance, les conditions d’exploitation, la formation des équipages. Or, la difficulté majeure réside dans le fait qu’il est extrêmement difficile de savoir ce qui se passe exactement au sein des compagnies :
– essentiellement dans les aspects relevant du domaine technique (maintenance, contrôles de qualité, impasses, etc…), car il existe des milliers de Centre de maintenance agréés répartis tout autour de la terre ;
– et du domaine social (formation, contrôles en sol et sur simulateur, constitution des équipages, temps de travail, dumping social, …) ; qui dépendent uniquement du pays d’immatriculation de l’aéronef.
* Malheureusement, ce n’est qu’à la suite de graves incidents ou accidents que des anomalies, insuffisances ou impasses volontaires sont constatées.
* Ainsi, sauf à être taxé d’ingérence, aucun organisme actuel n’est en mesure d’intervenir auprès des États et des compagnies afin de contrôler et de s’assurer que les normes minimales internationales sont effectivement respectées.
* Il en résulte que l’institution d’un organisme de contrôle à vocation international serait probablement plus efficace. Mais deux principales questions se posent :
– comment mettre en place une telle structure (lieu du siège, nombre et nationalité des contrôleurs, financement, sous l’autorité de quel organisme, etc… ) ? ;
– comment réagiront les États souverains face à une intervention externe dans des domaines qui relèvent de leur propre administration de tutelle, intervention qui pourra être qualifiée d’ingérence ?

Question : Le critère “Nombre d’accidents” est-il pris en compte ?
Réponse : Il convient tout d’abord de faire remarquer que dans les compagnies ou États figurant sur la “liste noire”, n’ont été relevés, pour 2009, que deux accidents en Indonésie (18 victimes) et trois au Congo (16 victimes), mais aucun accident d’une compagnie assurant un service régulier de transport de passagers. Ce résultat démontre que lesdites compagnies ne sont pas aussi dangereuses qu’on ne le dit, malgré les infractions constatées !

* Ce critère est non représentatif de la dangerosité d’une compagnie, au simple fait que la cause de l’accident peut totalement cette indépendante de ses conditions d’exploitation.
* D’ailleurs, comment pourrait-on envisager qu’à la suite d’un accident :

– une des grandes compagnies européenne (Air France/KLM, Lufthansa, British Aw,..) soit un jour mise sur une “liste noire” nationale par leur autorité de tutelle ;
– ou qu’une compagnie étrangère (Quantas, Southwest, Continental, American AW, Delta,..) soit mise sur la “liste noire” européenne ?
* En revanche – comme déjà dit – c’est à l’issue des rapports d’accidents ou incidents que sont souvent mis en relief des dysfonctionnements, des anomalies, des insuffisances, tous facteurs accidentogènes, qui échappent aux audits sur documents ou visuels.

Question : Quelles sont les conséquences d’être mis sur une “liste noire” ?
Réponse : La première conséquence pour la compagnie, est l’impact sur son image de marque qui sera dégradée pendant des années du fait de cette empreinte quasi-indélébile qui lui collera à la peau ! Rappelons-nous le slogan lancé par les américains, il y a bien longtemps : “Air France Take a Chance !”.
* On imagine la difficulté pour une compagnie qui aurait figurée sur une “liste noire”, de se débarrasser de cette sangsue, même après avoir remontré patte blanche, quand on sait le temps qu’il faut pour créer une image de marque et celui qu’il faut pour la restructurer quand elle a été détruite !
* Puis, les anomalies ayant justifié la sanction d’être mis sur une “liste noire” peuvent avoir fait l’objet de mesures correctives rapidement mises en place, alors que la sanction ne pourra être levée qu’à la prochaine réunion du “Comité sécurité aérienne”, qui ne se réunit qu’environ tous les trimestres.

Question : Existe-t-il une “Liste blanche”
Réponse : De nos jours, la liste des compagnies ayant le label IOSA de l’IATA est en fait une “liste blanche”.
* Or, étant donné qu’elle ne contient que des compagnies volontaires, elle n’est donc pas exhaustive. Cela signifie qu’une compagnie qui ne s’est pas portée volontaire ne doit pas automatiquement être considérée comme étant non sérieuse, ce qui appelle les commentaires suivants.
* Le voyagiste dispose alors de trois listes : une “liste noire” ; une liste “blanche”: et une liste des autres compagnies : celles qui ne sont pas sur la “liste noire” ou qui n’ont pas le label IOSA de l’IATA.
* Les questions qui se posent sont alors les suivantes :
– Dans quelle mesure le voyagiste précisera à ses clients que la compagnie proposée – laseule disponible, par exemple – ne figure pas sur la “liste blanche”, non pas parce qu’elle ne mérite pas ce label, mais simplement parce qu’elle ne l’a pas sollicité ?
– Quelle sera la responsabilité d’un voyagiste à la suite d’un accident survenu à une compagnie non “listée” qu’il aurait retenue, en toute légalité, puisque l’audit n’est pas obligatoire ?
– Pour terminer, l’existence d’une “liste blanche” ne contribuera-t-elle pas à faire croire aux passagers qu’ils ne prennent désormais plus aucun risque en voyageant par l’une des compagnies qui y figurent, alors qu’il n’en est rien ?

* Quant à l’utilité de l’obligation d’informer le passager de l’avion sur lequel il volera, elle n’est pas démontrée. En effet :
– le voyagiste, après avoir expliqué à son client la signification du “label blanc”, hésitera à lui proposer une des compagnies ne figurant pas sur cette liste;
– le voyagiste proposant alors une compagnie ayant le “label blanc”, on ne voit pas comment le passager pourrait refuser ; ce qui, d’une façon plus ou moins directe, portera, de toutes les façons, un grave préjudice aux compagnies ne possédant pas ledit “label blanc” !
* D’ailleurs, à l’exception de quelques-uns de ces passagers (qui sont des habitués et sont au fait des composantes de l’industrie) reconnaissons que la plupart des autres n’ont pas la connaissance, ni la compétence pour savoir s’ils doivent ou non accepter de partir sur une compagnie dont le nom qui leur a été indiqué, leur est – de surcroît – totalement inconnu ! Informer le passager du nom de la compagnie qui le transportera avec son accord, c’est reporter sur lui la responsabilité de son choix, alors qu’il ne possède pas tous les éléments d’une juste appréciation.

Question : Indépendamment des listes (noires et blanches) officielles, quelle est la validité d’autres listes privées ?
Réponse : Plusieurs sites classant les compagnies aériennes en fonction de leur “dangerosité”, il convient de dire que ces classements – même s’ils se fondent sur certains faits connus et statistiques – ne sont en rien représentatifs de la dangerosité des compagnies. Pour mesurer cette dangerosité, il faudrait – comme déjà indiqué – avoir accès aux domaines technique et social des compagnies et des centaines d’ateliers agréés des Etats les plus laxistes en la matière, partie invisible de l’iceberg.
* De plus, une compagnie peut être dangereuse un jour et ne plus l’être le lendemain. Inversement, une compagnie peut être “sûre ” un jour et ne plus l’être le lendemain.

* Une compagnie peut avoir eu plusieurs accidents dont elle n’a aucune responsabilité, ayant respecté strictement tous les textes et procédures en vigueur et avoir cependant mauvais presse.

Inversement une compagnie peut avoir le vent en poupe, donc paraître “sûre”, alors que de très nombreux incidents et anomalies existent, alors qu’ils ne seront révélés qu’à la suite d’un grave accident. Les exemples sont nombreux.

Question : Une conclusion ?
Réponse : Retenons également que, dans les facteurs positifs, la nouvelle Agence de Sécurité Aérienne Communautaire (AESA) joue un rôle important dans le contrôle de la conformité aux normes de sécurité des compagnies européennes.
* Les initiatives isolées sont des pierres destinées à la construction de l’édifice mondial qui garantira la sécurité aérienne, mais tant qu’elles resteront isolées, elle manqueront d’efficacité.
* Le problème ne sera pas résolu tant qu’il n’y aura pas une harmonisation mondiale des règles de fonctionnement de l’industrie du transport aérien et institutionnalisation des échanges d’informations.
* Cela étant dit, force est de constater que grâce aux efforts de tous les participants, le niveau de sécurité continue à s’améliorer, ce qui est rassurant.

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