7 décembre 2024

Lamia Avro RJ-85 ® Graham

Crash du vol Lamia 2933

Le 28 novembre 2016, le vol LaMia Flight 2933 décolle de Santa Cruz de la Sierra, la plus grande ville de Bolivie, en vol charter vers Medellin en Colombie, avec 68 passagers et 9 membres d’équipage. Parmi les passagers, l’équipe brésilienne de football de Chapecoense presque au grand complet, en route pour sa première finale de la Copa Sudamericana.

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Lamia Avro RJ-85 ® Graham
Lamia Avro RJ-85 ® Graham

Le 28 novembre 2016, le vol LaMia Flight 2933 décolle de Santa Cruz de la Sierra, la plus grande ville de Bolivie, en vol charter vers Medellin en Colombie, avec 68 passagers et 9 membres d’équipage. Parmi les passagers, l’équipe brésilienne de football de Chapecoense presque au grand complet, en route pour sa première finale de la Copa Sudamericana.

À 21h56 locales, l’avion disparait de radar de Medellin et se crashe à une quinzaine de kilomètres de cet aéroport, faisant 71 morts. Six personnes, dont trois footballeurs, une hôtesse de l’air et un journaliste ont miraculeusement survécu à cet accident. Parmi eux, Jackson Ragnar Follman, quatrième gardien de l’équipe brésilienne, a dû être amputé de la jambe droite.

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Un pétrole emporté au départ insuffisant

Les autorités colombiennes ont confirmé que l’avion avait décollé sans les réserves définies par l’OACI, qui prévoient un carburant minimum permettant :

  • D’aller à destination et faire une approche manquée
  • Se dérouter vers un terrain de dégagement
  • Plus 30 minutes de réserve additionnelle.

Le Secrétaire d’État à la sécurité aérienne colombien a déclaré qu’il était prévu une escale technique pour ravitailler  en Bolivie, mais comme le vol a été retardé au départ, le terrain prévu s’est révélé inaccessible, car fermé de nuit. Mais l’avion pouvait refueler à Bogota.

La distance franchissable de l’avion avec le pétrole emporté était de 1 600 milles nautiques, alors qu’il aurait  dû emporter le carburant pour 1 588 Nm de Santa Cruz à Medellin + 128Nm pour un dégagement + 30 minutes de réserve.

Il avait donc juste le carburant pour aller à Medellin, si le vol se déroulait comme prévu, sans aucune réserve !

Un plan de vol fantaisiste

Tout vol commercial doit faire un plan de vol et celui du LMI2933 prévoyait un trajet d’une durée de 4h22 avec une endurance de 4h22, c’est-à-dire sans aucune réserve ni dégagement possible. Ce plan de vol fut d’abord refusé par le contrôle, puis finalement accepté.

L’administration bolivienne des Aéroports et de la navigation aérienne  a annoncé le 4 décembre 2016 avoir porté plainte contre une employée du contrôle aérien à l’aéroport de Santa Cruz de la Sierra, qui avait initialement refusé le plan de vol avant de laisser partir l’avion. Elle risque 4 ans de prison !

L’avion

C’était un quadrimoteur Avro RJ-85, avion fait pour des étapes courtes et pouvant se poser sur des terrains courts, populaire dans les compagnies régionales. Une vidéo montre un tel avion d’Air France dans un atterrissage mouvementé à Dublin :

La compagnie LaMia disposait de trois de ces appareils, dont deux étaient en maintenance, avec une clientèle notamment de compagnies minières et des vols pour les équipes nationales d’Argentine, Bolivie, Vénézuela.

L’énorme faute du Commandant de bord

Le vol LaMia 2933 a quitté son niveau de croisière FL 300 (30 000 pieds) à environ 80Nm de Medellin.

Un autre avion, Viva Colombia 8170 en route vers San Andrés Island a décidé à 21h11 de se dérouter vers Medellin, victime d’un problème de jauge carburant. Il fut guidé en « priority landing » et se posa normalement à 21h51.

À 21h48, le vol LaMia2933 arriva dans le circuit d’attente de Medellin, en même temps qu’un vol Avianca, attendant que le vol Viva Colombia soit posé. Ces avions en attente auraient dû disposer du carburant pour une approche + le dégagement + 30 minutes de réserve.

Ce qui n’était pas le cas du vol LaMia 2933 à qui il lui fut déclaré qu’il était N°3 en approche, donc contraint à effectuer le circuit d’attente, alors qu’il ne disposait que du fuel pour faire une approche directe !

Pour le monde aéronautique, il est inconcevable que le CDB n’ait pas annoncé au contrôle qu’il était en « emergency fuel », lorsqu’il est arrivé sur le circuit d’attente, ce qui lui aurait donné une priorité  complète pour l’atterrissage. Il aurait ainsi évité les 54 Nm qu’il a effectué dans le circuit d’attente et permis à son avion d’arriver intact au parking, avec quelques litres dans les réservoirs et en sauvant l’avion et ses occupants.

S’il ne l’a pas fait, c’est parce qu’il savait que s’il se déclarait en détresse, il y aurait eu une enquête qui aurait montré qu’il avait fait le vol en violation complète et aberrante de la réglementation internationale. Il aurait perdu sa licence et la compagnie aurait eu à payer une très forte amende, qui aurait certainement entraîné la faillite de cette entreprise dont il était un des principaux actionnaires !

Ce n’est qu’en dernier ressort qu’il se déclara en « emergency fuel », et il était trop tard. Il n’avait plus le carburant nécessaire pour atterrir et l’avion se crasha à une quinzaine de kilomètres de la piste.

Les échanges radio entre l’équipage du vol LMI2933 et le Contrôle d’approche de Medellin

https://m.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=6Ab5x_C-CFg

Voici, tirés du document  en lien ci-dessus, les échanges entre les pilotes du vol LaMia2933 (LMI2933) qui s’est crashé et le Contrôle d’approche de Medellin (MDE). Les dialogues sont en espagnol, ce qui est normal, puisque l’espagnol, l’anglais et le français sont les trois langues officielles réglementaires pour le Transport Aérien définies par l’OACI en 1944.

Le document qui retranscrit les communications n’est peut-être pas complet, mais il est probable que ce qu’il indique n’est pas faux. Il est sous-titré en espagnol et en anglais et j’ai traduit l’anglais. Ce document ne donne pas les heures de transmission. Pour plus de clarté, j’ai écarté les transmissions avec d’autres avions, si elles ne correspondaient pas avec le trafic LaMia2933 ou le vol Viva Colombia 8170, qui était en priorité d’atterrissage par rapport au vol accidenté :

Heure = 21h48 : le vol LMI2933 entre dans le circuit d’attente de Medellin et il va effectuer dans ce circuit une distance de 54 Nm en 12 précieuses minutes qui vont sceller un sort fatal. Pour juger de la descente, il faut prendre en compte que le terrain de Medellin est à une altitude élevée de 2 142 mètres d’altitude (7 140 pieds) et que la piste est en 01, avec un cap piste de 006°. Dans cette approche, les avions doivent passer à une altitude de 11 000 pieds sur le VOR Rionegro, situé à 9.9 Nm du seuil de la piste 01, dans l’axe de celle-ci.

LMI2933 : Passant le niveau 210 et demandons priorité pour l’approche avec un problème de fuel.

MDE : Compris que vous demandez approche en priorité avec un problème de carburant. Confirmez.

LMI2933 : Affirmatif

LMI2933 : Demandons vecteurs radar

MDE : OK. Je vous donnerai des vecteurs  radar vers le Localizer  (Ndlr : axe radioguidage ILS vers la piste) et l’approche, dans environ 7 minutes.

MDE : Lan Colombia 3020  vous êtes clair en approche piste 01. Rappelez établi sur le Localizer.

MDE : LMI2933  Quel est votre cap ?

LMI2933 : 179 en branche d’éloignement ( Ndlr : sur l’hippodrome d’attente).

MDE :  Maintenez l’éloignement et continuez la descente

LMI2933 : Maintenons le cap et sommes en vue du sol.

LMI2933 : Demande vecteur radar pour une branche retour.

MDE : Stand by. Nous avons un trafic juste en dessous en approche. De combien de temps disposez-vous avant votre atterrissage ?

LMI2933 : Nous sommes en emergency fuel, établis sur notre route d’approche finale.

(Ndlr : le CDB se décide enfin à avouer sa situation, mais le sort de l’avion est scellé, il n’a plus le carburant pour rallier la piste!)

LMI2933 : Demandons descente immédiate

MDE : Lan Colombia 3020, annulez votre approche et dégagez au cap 100 à 13 000 pieds  (Ndlr : cap de la piste = 006°) .

MDE : LMI2933 Vous pouvez tourner à droite et vous pouvez commencer votre descente. Trafics 1 mille en-dessous.

LMI2933 : Traffic en vue. Demandons à rejoindre le Localizer. Train sorti

(Ndlr : Notez bien que l’avion est train sorti à une hauteur de 14 000 pieds au-dessus du sol avec le train sorti, ce qui est aberrant pour un pilote qui est à court de carburant !). Cette information surprend la contrôleuse qui lui en fait la remarque de façon inhabituelle en employant le mot « Captain »  pour l’interpeller.

MDE : Captain, vous êtes au niveau 210 (Ndlr : 21 000 pieds). J’ai besoin que vous descendiez et tournez à droite.

LMI2933 : Nous avons commencé la descente et nous dirigeons vers le Localizer.

MDE : Le contrôle donne des caps à d’autres trafics pour dégager la trajectoire de priorité de LMI2933.

MDE : LMI2933 vous avez un trafic A320 devant à 18 000 pieds.

LMI2933 : Nous l’avons en vue sur le TCAS (Ndlr : Détecteur anticollision) et sommes à 18 000 pieds au cap d’approche.

MDE : LMI2933 à  17 700 pieds. Continuez approche. Piste mouillée. Aurez-vous besoin d’assistance ?

LMI2933 : Nous aurons besoin d’assistance et passons 16 000 pieds vers le Localizer.

LMI2933 : En panne totale, électrique et fuel

MDE :  LMI2933 Piste dégagée et les véhicules incendie roulent.

LMI2933 : Vecteurs – Vecteurs vers la piste

MDE : J’ai perdu votre signal radar. Je ne peux vous voir. Quels est votre cap ?

LMI2933 : Cap 360

MDE : LMI2933 Tournez à gauche cap 010. À un mille du VOR Rionegro (Ndlr : 9.9Nm de la piste, ce VOR doit être passé à 11 000 pieds – Altitude du terrain = 7 140 pieds). Je confirme à gauche cap 350.

LMI2933 : Cap 350

MDE : Oui. Vous êtes à 0.1Nm du VOR Rionegro

MDE : LMI2933 Je ne vous vois pas. Quelle est votre altitude ?

LMI2933 : 9 000 pieds. Vecteur ?

MDE : LMI2933 Vous êtes à 8.2 Nm de la piste. Quelle est votre altitude maintenant ?

L’avion ne répondit plus.

Remarques sur le comportement de la contrôleuse aérienne d’approche

LMI2933 ne s’étant pas déclaré en emergency, c’est en toute logique que la contrôleuse lui a indiqué qu’ils avaient environ 7 minutes d’attente, le temps pour faire poser le vol Viva Colombia 8170 qui s’était déclaré en urgence avec un problème de jauges carburant qui l’avait contraint à se dérouter de sa route.

Compte tenu de sa situation très critique, le CDB a fini par dire qu’il était en « emergency fuel » et dès lors la contrôleuse a fait dégager les autres avions pour lui laisser le champ libre, mais c’était trop tard.

L’épave

Les enquêteurs se sont très rapidement aperçus qu’il n’y avait eu aucun incendie après le crash de l’avion, pour une raison très simple : il n’y avait plus de carburant lors de l’impact !

Les enregistreurs de vol

Ils ont été retrouvés et sont en bon état. Trois spécialistes anglais sont intervenus,  assistés par des représentants du fabricant britannique de l’avion, le groupe BAE Systems (anciennement British Aerospace). L’analyse des enregistreurs sera probablement effectuée par l’AAIB (Air Accident Investigation Branch), équivalent de notre BEA, qui dépend du gouvernement britannique.

Attente du rapport préliminaire

L’analyse qui est faite aujourd’hui repose sur des données partiellement officielles et le rapport préliminaire établi après analyse des enregistreurs de vol apportera probablement des corrections. Mais il est certain que cela ne modifiera pas le fait que ce crash résulte du comportement affligeant d’un CDB, qui a entrepris un vol avec un carburant qui lui donnait seulement le pétrole pour un vol direct, sans aucune réserve de temps ni de dégagement. Aberration suicidaire qui l’a conduit à refuser de se déclarer en « emergency » parce qu’il connaissait les conséquences de cet aveu et piètre pilote qui a fini par reconnaître sa situation, mais trop tard.

Avec l’aimable autorisation de Christian Roger
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