La compagnie aérienne irlandaise se livre à un chantage à l’emploi en vue d’échapper à d’éventuelles poursuites.
Laissez-moi continuer de voler en paix. Sinon j’irai voler ailleurs. C’est, en somme, ce que vient de déclarer le directeur général de la compagnie aérienne irlandaise à bas coût, Michael O’Leary. Alors que son entreprise fait l’objet d’une enquête préliminaire pour travail illégal, ce dernier a menacé, hier au cours d’une conférence de presse, de fermer sa base de Marseille si les investigations des enquêteurs débouchent sur des poursuites judiciaires. « Si le parquet nous poursuit devant les tribunaux, nous fermerons la base et tant pis pour les emplois et les passagers (…). Le seul gagnant sera Air France, qui aura encore éliminé un concurrent, tandis que 1 000 emplois locaux seront perdus et le trafic passager va s’effondrer », a-t-il ainsi lancé.
L’objet de ce chantage à l’emploi réside dans l’obligation pour les compagnies aériennes implantées dans l’Hexagone d’appliquer la réglementation française du travail. Depuis 2006, un décret gouvernemental a mis fin aux pratiques courantes des entreprises étrangères qui consistaient à appliquer aux salariés une réglementation du travail « moins contraignante » pour l’employeur. Mais Michael O’Leary qui renâclait il y a peu encore à dédommager les voyageurs de Ryanair bloqués en raison de l’irruption du volcan islandais, n’entend pas se plier à la loi française. Il persiste à vouloir appliquer la législation irlandaise, nettement moins favorable aux salariés tant du point de vue du droit du travail que de la protection sociale. Et on comprend pourquoi : selon un mémorandum réalisé par la CGT Air France, cette astuce lui permet de ne payer aucune cotisation sociale malgré un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros (voir l’Humanité du 9 février 2010).
Bien qu’il ait été débouté de son recours contre le décret de 2006 par le Conseil d’État en 2007, Michael O’Leary n’a pas renoncé. Pour défendre son droit à voler en France, sa compagnie a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, dont il espère sans doute qu’elle admette qu’appliquer le droit irlandais à des salariés travaillant en France est dans l’esprit, si ce n’est la lettre, de la fameuse directive Bolkestein. Le parquet, qui est sous l’autorité du ministère de la justice, cédera-t-il au chantage de Michael O’Leary ou poursuivra-t-il Ryanair ? On peut légitimement se poser la question. Malgré deux plaintes de syndicats de pilotes, la CGT Air France relevait en février dernier que « la DGAC, l’Urssaf et l’inspection de travail font la sourde oreille alors qu’un simple contrôle à l’aéroport de Marseille permettrait de mettre en évidence ce travail dissimulé ».
Pierre Henri Lab
Source: humanite.fr