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Au salon du Bourget, la guerre Airbus-Boeing n’aura pas lieu
14.06.09 | 11h50
Par Matthias Blamont
PARIS (Reuters) – Le 48e salon du Bourget qui commence lundi promet une nouvelle fois de rassembler l’ensemble des décideurs de l’aéronautique et de la défense mais la crise privera Airbus et Boeing de se livrer à leur jeu favori: celui du record d’annonces de commandes.
En dépit du durcissement de la conjoncture économique, les professionnels du secteur se veulent rassurants et répètent à l’envi que toutes les surfaces d’exposition ont été louées. La fréquentation devrait également être au rendez-vous alors que le salon, organisé une année sur deux, fête en 2009 son centième anniversaire.
Aux côtés des avions commerciaux et militaires dernier cri, les visiteurs auront la possibilité d’admirer une trentaine d’avions anciens construits entre 1909 et 1960. Ils auront également l’occasion d’assister à la première apparition publique du Superjet 100, le nouvel avion régional russe conçu par Sukhoï.
En levant les yeux vers le ciel, ils assisteront à des présentations ouvertes par la patrouille de France dont les appareils n’avaient plus survolé le salon depuis 1975.
Pour autant, au-delà des commémorations, l’industrie du transport aérien traverse une passe difficile. Sauf grosse surprise, 2009 devrait enregistrer une diminution du trafic aérien mondial, passager et fret, une première depuis 2001.
L’Association internationale du transport aérien (Iata) prédit neuf milliards de dollars de pertes pour les compagnies aériennes cette année. « C’est la situation la plus difficile que le secteur ait eu à affronter et je ne vois pas ce qui pourrait inciter à l’optimisme », déclarait le 8 juin Giovanni Bisignani, son directeur général, lors de l’assemblée générale de l’organisation à Kuala Lumpur .
Chez les constructeurs, la crise se fait également sentir. L’européen Airbus, qui vise 300 commandes brutes cette année, n’en a signé que 32 sur la période janvier-mai et a fait savoir à plusieurs reprises que son objectif annuel serait difficile à atteindre.
Son concurrent américain Boeing, qui va supprimer 10.000 emplois en 2009, a de son côté signé 73 commandes brutes depuis le début de l’année mais déplore 66 annulations, ramenant son solde net à sept appareils.
VIGILANCE
« Le match Airbus-Boeing avait tendance à éclipser toute une partie du ‘business’. Le ‘Paris air show’ constitue l’occasion pour les constructeurs de discuter entre eux et avec la ‘supply chain’ (les fournisseurs, ndlr). Cet aspect va revenir sur le devant de la scène et nous pourrions assister à des annonces de partenariats industriels ou de transferts de technologies dans la défense », fait valoir Damien Lasou, responsable de l’activité aérospatial et défense auprès d’Accenture.
« Cette semaine, Airbus a confirmé son intention de réaliser 25% de son chiffre d’affaires dans les services d’ici à 2020. L’irruption de la crise n’a fait que renforcer l’intérêt de compléter un modèle économique fondé sur la vente de produits dont les commandes baissent par une offre de services récurrents comme la maintenance », ajoute-t-il.
Le spécialiste note par ailleurs que l’internationalisation croissante des grands groupes aéronautiques pourrait conduire à la signature de partenariats importants, dans la logistique par exemple.
Si les commandes d’appareils devraient logiquement être moins nombreuses cette année que lors des éditions précédentes, quelques opérations importantes pourraient néanmoins être communiquées.
« Les compagnies aériennes américaines pourraient lancer d’autres appels d’offre pour réagir aux initiatives de United Airlines (selon une source proche du dossier, le transporteur a contacté Airbus et Boeing pour 150 avions, ndlr ) et les compagnies du Moyen-Orient comme Qatar Airways n’ont pas de difficulté de financement », souligne Damien Lasou.
« Le niveau de commandes sera quand même une préoccupation première », s’inquiète de son côté Olivier Brochet, analyste chez Natixis Securities. Et il prévient: « Si ce niveau est trop faible, le sentiment du marché sur la reprise économique et sur la poursuite de la constitution des carnets de commandes des constructeurs sera très négatif. »
Edité par Jean-Michel Bélot