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Comment la grippe porcine a explosé mon forfait de téléphone
LEMONDE.FR | 05.06.09 | 20h03
Jérémie Baruch, journaliste au Monde.fr, raconte comment il a été placé en quarantaine à son retour de New York, en raison d’un cas de grippe porcine dans son avion.
Dans tous les avions qui reviennent en Europe, en provenance du Mexique et des Etats-Unis, les hôtesses distribuent des fiches à remplir, afin, selon le site Internet du ministère de la santé, “d’identifier les passagers ayant été en contact avec des personnes qui seraient malades [de la grippe A (H1N1)] et de leur proposer une prise en charge médicale adaptée”. En rentrant de New York, via Düsseldorf, mercredi 27 mai, je remplis, comme tous les autres passagers, une “fiche de traçabilité”. En Allemagne, à la sortie de l’avion, du personnel médical en combinaison intégrale et masque sanitaire trie les voyageurs potentiellement grippés.
AP/SANG TAN
Jérémie Baruch s’est vu livrer une boîte de Tamiflu par un volontaire de la Croix-Rouge masqué, ganté et en uniforme.
Près de 24 heures après mon arrivée, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) me téléphone. « A 11 h 03 ce matin, un cas de grippe porcine a été confirmé à Düsseldorf. Il voyageait dans votre avion. Avez-vous de la fièvre ou d’autres symptômes de la grippe ?”, me demande une médecin de la Ddass. Oui, j’ai des symptômes. Je les lui décris. Par téléphone, la médecin estime qu’il s’agit seulement d’une angine. “Bien, il faut quand même que vous restiez chez vous. C’est une question de santé publique”, tranche-t-elle après un entretien d’environ une demi-heure.
“A TITRE PRÉVENTIF, LE TAMIFLU NE SERT À RIEN”
Elle ajoute que j’ai deux solutions : soit rester pendant 7 jours chez moi, soit pendant 24 heures après la prise d’un premier cachet de Tamiflu, un médicament antiviral. Je lui réponds que, bien évidemment, je n’en ai pas à domicile. “Oui, monsieur, on s’en occupe, nous envoyons une ordonnance à l’hôpital Bichat, m’annonce-t-elle. Il ne vous restera plus qu’à aller le chercher.” Je lui fais remarquer qu’elle vient de me mettre en quarantaine et que ça me semble “dangereux” de prendre le métro pour aller à Bichat. On convient alors que le médicament me sera livré à domicile. Mon dossier est alors transmis au SAMU.
Après avoir raccroché avec la Ddass, j’appelle le 15 afin qu’un médecin vienne m’ausculter à la maison pour mon angine. Au SAMU, on me fait comprendre qu’ils ne se déplacent pas pour une simple angine et m’orientent sur SOS-Médecins. Là, le médecin-coordinateur me lance de but en blanc : “Je refuse d’envoyer un médecin [chez vous] à cause du risque de contamination à la grippe porcine.” J’en reste sans voix. Il propose éventuellement de déposer une ordonnance dans ma boîte aux lettres pour traiter l’angine. Par curiosité, j’en profite pour lui demander ce qu’il pense du Tamiflu. “A titre préventif, le médicament ne sert à rien. C’est un leurre pour faire croire qu’on a la solution”, me répond-il. En proposant du Tamiflu, “le Samu va à l’encontre de toutes les procédures en place. Il faut déterminer si on est infecté ou non avant de prendre ce médicament.” De nouveau, je n’en reviens pas.
Je reprends mon téléphone et je rappelle la Ddass. Le but : m’informer après les confidences du médecin de SOS-médecins. Un nouveau docteur m’affirme que les procédures sont les bonnes et que le Tamiflu peut être pris à titre préventif. En discutant un peu avec cette médecin, elle finit par me lâcher qu’elle espère que la pandémie n’aura pas lieu parce que les autorités sanitaires ne sont pas prêtes, selon elle, à gérer une crise de grande ampleur. Je raccroche, bouche bée.
Près de huit heures après le premier appel de la Ddass, un volontaire de la Croix-Rouge, masqué, ganté et en uniforme, sonne à ma porte pour me remettre une boîte de Tamiflu. Il me propose gentiment de faire des courses à ma place mais refuse en revanche de m’ausculter : il n’est pas médecin. Je reste seul avec mon Tamiflu, ma quarantaine et mon angine, qui a fini par guérir au bout de quelques jours.
Jérémie Baruch