Le transport aérien en France fait face à une vague de nouvelles taxes envisagées dans le cadre des projets de loi de finances pour 2025 et 2026. Ces propositions, visant à la fois à renflouer les caisses de l’État et à promouvoir une fiscalité plus écologique, suscitent de vives réactions de la part des compagnies aériennes, des aéroports et des acteurs du tourisme. Cet article explore les principales taxes envisagées, leurs impacts potentiels et les controverses qu’elles génèrent.
La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) : une hausse confirmée pour 2025Adoptée dans le cadre du budget 2025, la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), souvent appelée « taxe Chirac », connaît une augmentation significative à partir du 1er mars 2025. Initialement instaurée en 2006 pour financer des programmes d’aide sanitaire, cette taxe a été renforcée par une éco-contribution en 2020 et fait l’objet d’une nouvelle révision. Selon les informations disponibles, les nouveaux tarifs sont les suivants :
- Vols intra-européens ou domestiques (y compris vers la France métropolitaine, les DOM-COM, ou les pays à moins de 1 000 km de Paris) : la taxe passe de 2,63 € à 7,40 € en classe économique, et atteint 30 € en classe affaires.
- Vols moyen-courrier (destinations intermédiaires) : la TSBA s’élève à 15 € en classe économique et 80 € en classe affaires.
- Vols long-courrier (au-delà de 5 500 km) : la taxe atteint 40 € en classe économique et 120 € en classe affaires, avec des montants pouvant grimper jusqu’à 1 025 € ou 2 100 € pour l’aviation d’affaires selon le type de propulsion.
Cette mesure, adoptée après un recours à l’article 49.3 par le gouvernement Bayrou, devrait générer entre 800 et 850 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’État. Cependant, elle a été vivement critiquée par les compagnies aériennes, notamment Air France-KLM, qui estiment qu’elle rend la France moins compétitive par rapport à d’autres hubs européens comme Istanbul ou Dubaï. Ryanair, de son côté, menace de réduire de 50 % ses opérations en France, ce qui pourrait affecter les dessertes régionales et l’emploi dans les aéroports secondaires.
Des exemptions ont toutefois été obtenues pour préserver la connectivité de certains territoires. La Corse et les Outre-mer bénéficient de tarifs maintenus à un niveau plus bas pour garantir la continuité territoriale, une mesure défendue par des élus locaux comme la sénatrice Annick Petrus et le député Paul-André Colombani.
Projets fiscaux pour 2026 : plus de taxes pour le secteur aérien
Pour 2026, le ministère des Finances (Bercy) explore de nouvelles pistes fiscales qui pourraient alourdir davantage la charge sur le secteur aérien, notamment pour les vols intérieurs :
- Taxe sur le kérosène : Historiquement exonéré en raison d’accords internationaux favorisant le développement du transport aérien, le kérosène pourrait être taxé pour les vols domestiques. Cette mesure, qui concernerait plus de 20 millions de billets par an, est envisagée pour répondre aux impératifs écologiques, mais elle est critiquée pour son impact potentiel sur les prix des billets et la compétitivité des compagnies françaises.
- Doublement de la TVA sur les vols intérieurs : Le gouvernement étudie une augmentation de la TVA, qui passerait de 10 % à 20 %. Cette mesure, si adoptée, pourrait générer environ 170 millions d’euros supplémentaires, mais elle risque de réduire la demande pour les vols domestiques, déjà en contraction de 25 % depuis 2019.
- Taxe supplémentaire à Paris : Une taxe d’1 € par passager dans les aéroports parisiens est également à l’étude, ce qui pourrait affecter les expatriés et les voyageurs fréquents.
Ces propositions s’inscrivent dans un contexte de recherche de recettes fiscales pour réduire le déficit public, tout en répondant aux objectifs de transition écologique. Cependant, elles rencontrent une forte opposition de la part des professionnels du secteur, qui dénoncent un « matraquage fiscal » nuisant à la croissance économique.
Taxes sur le secteur aérien, impacts et controverses
Conséquences économiques
Les compagnies aériennes, déjà fragilisées par la crise du Covid-19 et les coûts croissants des carburants durables, estiment que ces taxes sur le secteur aérien menacent leur compétitivité. Air France-KLM, qui contribue déjà à hauteur de 140 millions d’euros par an à la TSBA, pourrait voir sa facture doubler en 2025. Les compagnies low-cost, comme Ryanair, envisagent de réduire leurs dessertes régionales, ce qui pourrait pénaliser les aéroports secondaires et l’industrie touristique. Selon une étude Deloitte, le secteur aérien soutient 567 000 emplois en France et génère 52 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 1,8 % du PIB.
Enjeux écologiques
Le gouvernement justifie ces mesures par des arguments écologiques, soulignant que l’aviation est responsable de 6 % des émissions de CO2 en France. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a défendu la TSBA comme une « mesure de justice fiscale et écologique », ciblant particulièrement les grands voyageurs et l’aviation d’affaires, jugée plus polluante. Les jets privés, par exemple, pourraient être taxés jusqu’à 3 000 € par vol, une mesure appuyée par des rapports indiquant qu’ils sont jusqu’à 14 fois plus polluants par passager que les vols commerciaux.
Cependant, des critiques, comme celles de l’European Business Aviation Association (EBAA), pointent du doigt l’absence de critères pertinents pour justifier les différences de taxation, notamment entre types d’avions. De plus, les revenus de ces taxes ne sont pas systématiquement fléchés vers la décarbonation du secteur, ce qui limite leur impact écologique réel.
Impact sur les voyageurs
Les hausses de taxes sur les secteur aérien se traduiront inévitablement par une augmentation des prix des billets. Par exemple, Transavia a annoncé qu’elle répercuterait rétroactivement la hausse de la TSBA sur les billets réservés avant le 28 octobre 2024 pour des vols à partir du 3 mars 2025. Cette pratique, bien que conforme à ses conditions générales, a suscité des controverses, Air France ayant choisi de ne pas appliquer de hausse rétroactive.
Perspectives et débats
Le secteur aérien français se trouve à un carrefour. D’un côté, les taxes visent à répondre aux défis budgétaires et environnementaux, avec un objectif de réduire le trafic aérien pour limiter les émissions. De l’autre, elles risquent de fragiliser un secteur clé pour l’économie et la connectivité des territoires, notamment les régions ultrapériphériques. Les professionnels, soutenus par des organisations comme la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam) et l’Union des aéroports français (UAF), appellent à une « stabilité fiscale » et à une harmonisation européenne pour éviter une distorsion de concurrence avec des pays comme l’Espagne ou l’Italie, qui ont opté pour une fiscalité plus légère.
Les taxes envisagées pour 2025 et 2026 marquent un tournant pour le transport aérien en France. Si elles s’inscrivent dans une logique de transition écologique et de redressement des finances publiques, leur mise en œuvre devra trouver un équilibre pour préserver la compétitivité du secteur et l’accessibilité des territoires. Les mois à venir, avec les discussions autour du budget 2026, seront cruciaux pour définir l’avenir de l’aviation française.

