AF447 – Des experts doutent de l’indépendance du BEA
publié le 29/06/2009 à 17:54, Reuters
par Clément Guillou
PARIS, 29 juin (Reuters) – L’indépendance du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) vis-à-vis d’Airbus et Air France est mise en doute par des spécialistes de l’aviation civile.
Une partie de la communauté aéronautique française accuse le BEA, chargé d’enquêter sur l’accident du vol AF447, d’être aux ordres du ministère des Transports qui le finance, et donc de protéger les grands groupes français de l’aéronautique.
Ces soupçons sont déjà répandus dans la presse brésilienne.
Lors de la troisième conférence de presse du BEA, le ton est monté entre son président et le journaliste brésilien Antonio Ribeiro, reporter au magazine Veja, qui revendique 900.000 abonnés.
Ce dernier reprochait à Paul-Louis Arslanian d’éluder les questions et l’a surnommé « la boîte noire du BEA ». La raison du silence d’Arslanian? Des enjeux stratégiques, selon Antonio Ribeiro.
« Est en jeu la survie d’Air France après son accident le plus grave. Le succès d’Airbus dépend pour beaucoup des investigations du BEA, entièrement financé par le contribuable français », écrit le journaliste brésilien sur son blog » onclick= »window.open(this.href);return false;).
CONSANGUINITÉ
Odile Saugues, députée socialiste ayant présidé en 2004 une mission parlementaire sur la sécurité aérienne, ne « doute pas de la crédibilité technique du BEA ».
« Mais nous avions pointé le fait qu’il manquait de moyens et nous voulions renforcer son indépendance. Nous pensions qu’il n’avait pas toute l’indépendance voulue, notamment lorsqu’on compare avec le NTBS, son équivalent américain », a-t-elle dit à Reuters.
« Il y a des moments où ils ne peuvent pas tout dire, pour des raisons d’ordre diplomatique comme dans le cas de Charm El-Cheikh, et puis il y a d’autres moments où, on le comprend, on n’a pas tout dit parce qu’il y avait des priorités industrielles fortes », ajoute-t-elle.
Les experts rappellent l’enquête consécutive à l’accident du Mont Sainte-Odile (1992) pour lequel le BEA n’a incriminé ni l’avion ni les exploitants, au contraire des experts judiciaires.
Ce n’est qu’à l’issue de l’enquête administrative que Pierre-Henri Gourgeon, alors à la tête de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), donc responsable de la certification des aéronefs, a été mis en examen, puis innocenté.
Pierre-Henri Gourgeon est maintenant directeur d’Air France, pour qui l’accident du Rio-Paris est le plus grave de son histoire.
« Il y a dans ce milieu beaucoup de consanguinité, de déplacements d’une structure à une autre. Ça tourne beaucoup dans le même monde », rappelle Odile Saugues.
La rencontre entre Pierre-Henri Gourgeon et Paul-Louis Arslanian ne date pas des années 1990 : les deux hommes étaient dans la même promotion de l’Ecole Polytechnique, en 1965, avec Noël Forgeard (ancien directeur d’Airbus) et Claude Lelaie (directeur des essais en vol d’Airbus).
Joint par Reuters, le BEA n’a pas souhaité faire de commentaire, se contentant de souligner qu’il était un « organisme permanent et indépendant ». (Édité par Sophie Louet)